lundi 28 juin 2021

Sur les pas de Kelly Reichardt (2)

Certain Women de Kelly Reichardt (2016).

Notes sur K. R. (suite)
 
4. Meek's Cutoff évoquait un passage mystérieux qui, quelque part, à travers le personnage de l'Indien, se transformait en barrage: barrage de la langue, de la culture, etc. Night Moves serait l'inverse. Si la première partie reprend le principe du film documenté (au quotidien de la vie de pionniers, répond ici la préparation minutieuse d'un acte terroriste: comment faire sauter un barrage (c'est celui de Galesville, dans l'Oregon bien sûr, qui a servi de décor), où l'on ménage le suspense, comme dans les films de casse ou d'évasion, avec un vrai travail sur la durée des plans, qui maintient la tension/l'attention), la seconde plonge les protagonistes dans une forme d'errance et de perdition qui confine à la folie. Un barrage qui saute, comme un verrou, laissant échapper ce qui était retenu en amont, geste libérateur, en tous les cas vécu comme tel au début (ainsi quand Josh/Jesse Eisenberg, de retour dans la communauté agricole où il travaille, regarde le ciel à travers l'orifice de sa yourte), avant que l'imprévu (en fait prévisible mais qui avait été occulté) ne surgisse et que tout bascule. Rencontre avec le "réel" (un homme est mort) qui précipite chacun des personnages, du moins deux d'entre eux (le troisième, au passé trouble, s'avère moins perméable à l'événement, son seul souci étant de se protéger, au détriment des deux autres), dans une angoisse de plus en plus massive, qui réveille tout ce qu'il y avait déjà de fragile chez l'un (Josh, personnage plutôt mutique dont l'identité se trouve subitement menacée, se croyant observé de toute part) et de conflictuel chez l'autre (Dena/Dakota Fanning, personnage en rupture de ban qui, on l'imagine, réglait ses comptes avec papa — elle travaille par ailleurs dans une sorte de spa très new age —, et qui là, suite à l'accident, voit ses troubles psychosomatiques, essentiellement cutanés, se mettre à flamber). La force du film ne réside évidemment pas dans cette approche clinique de l'angoisse, mais dans la façon avec laquelle Reichardt la rend dévastatrice, si dévastatrice — on ne peut l'endiguer — qu'elle semble tout "noyer" sur son passage. Le film se répand ainsi littéralement, engloutissant ce qui entoure les personnages, les coupant du monde, de façon brutale pour Josh (magnifique plan où, lors d'une fête, il apparaît seul au milieu du cadre, les danseurs surgissant autour tels des ombres virevoltantes), plus insidieuse chez Dena, laquelle, bravant la règle du "no contact" imposée au départ, essaie désespérément de se raccrocher à quelqu'un, par le biais du téléphone. Ce qui fait que tout ce qui arrive dans la seconde partie était déjà là, en puissance, dans la première (voir le gros plan sur les mains salies de Josh). Car si le film est divisé en deux parties — avant et après l'explosion —, il apparaît surtout comme déplié, épousant un mouvement linéaire, très musical (au passage, superbe partition de Jeff Grace, qui avait déjà écrit la BO de Meek's Cutoff), mouvement "répétitif", en accord avec l'aspect minimaliste et feutré du cinéma de Reichardt (l'explosion, entendue au loin, se réduit à un bruit de pétard mouillé), et en même temps "progressif", allant crescendo, marqué par un terrible sentiment, celui de l'inéluctable, qui voit la vulnérabilité inquiète de Josh, tout comme la fausse assurance de D., se décomposer inexorablement, monstrueusement, la peau de la seconde se trouvant littéralement "rongée" par la culpabilité (Dakota Fanning se transforme physiquement, ce qui fait que vers la fin son visage a quelque chose de gishien, à la fois tragique et comme purifié), alors que pour le premier (qui lui ne change pas physiquement puisque tout se passe à l'intérieur), c'est davantage de moi-peau dont il faudrait parler, moi-peau altéré, disloqué, face aux coups de boutoir du réel. Jusqu'au moment où... (mai 2014)

5. Les belles du Montana.

Des trois histoires, reliées par quelques fils seulement, qui composent Certain Women, la deuxième est peut-être la plus impressionnante. Il ne s’y passe quasiment rien, si l’on compare aux deux autres où il ne se passe déjà pas grand-chose. Mais la beauté est là, au niveau de la forme, dépouillée à l'extrême... de sorte que si on appliquait la fameuse "règle de trois" chère à Biette, quant à ce qui gouverne un film, on pourrait dire que, dans Certain Women, c’est bien le projet formel qui lutte avec le récit au détriment de la dramaturgie. Lutte minimaliste, mais lutte quand même, entre disons l’épure bressonienne, tendant à l’abstraction, et l’épure durassienne, visant à l’enfermement. Dans les deux cas, une même blancheur, comme celle des montagnes enneigées qui entourent Livingston, petite ville du Montana où se déroule le film, Livingston sur la ligne NP (Northern Pacific), à l'image de l'ouverture avec son train de marchandises, comme si Reichardt elle-même, après son arrêt prolongé dans l'Oregon, était repartie (transitoirement?) vers l'Est; le Montana, symbole même des grands espaces américains, donc du western, ici plus dwanien que fordien. Si dans Certain Women il y a des chevaux, des chiens aussi (forcément avec Reichardt — le film est dédié à sa chienne Lucy), il n'y a, en revanche, aucun homme, du moins de moins en moins — uncertain men — à mesure que le film avance (immature dans la première histoire, distant dans la deuxième, l'homme est carrément absent de la troisième), laissant les femmes seules, enfermées dans leur solitude, ce qu'évoque l'encerclement des montagnes.
En quoi cette deuxième histoire est-elle impressionnante (au sens de saisissant, on peut même dire effrayant)? C'est que, moins ludique que la première (les relations difficiles entre une avocate — Laura Dern — et son client, prêt à tout, même une prise d'otage, pour obtenir gain de cause), moins séduisante que la dernière (la rencontre entre une juriste débutante — Kristen Stewart — venant donner des cours du soir et une jeune ranchwoman — Lily Gladstone — qui y assiste pour le seul plaisir de la voir: sublime scène quand celle-ci après le cour fait monter Kristen Stewart sur son cheval et l'emmène au pas jusqu'au fast-food du coin), elle est comme le point d'ancrage du film. Y règne une vraie mélancolie, soit la part la plus durassienne du film, à travers cette histoire de pierres, restes d'une ancienne école bâtie à l'époque des pionniers, qu'une femme (Michelle Williams), mal mariée, veut absolument récupérer d'un vieil homme pour la construction de sa future maison. A un moment donné, alors que les pierres sont rassemblées, on voit la femme faire un signe de la main au vieil homme, resté debout derrière sa fenêtre, sans que celui-ci lui réponde, comme s'il ne la voyait pas... Ce court moment, écho à d'autres, est comme un temps d'évanouissement dans le film, une sorte d'aphanasis, le regard ailleurs du vieil homme renvoyant la femme à sa propre solitude, comme si les blocs de pierres ainsi acquis, tels des petites Bastilles, ne faisaient que l'emprisonner un peu plus, hors du monde... (mars 2017)

(à suivre)

Sur les pas de Kelly Reichardt

Meek's Cutoff de Kelly Reichardt (2011).

Notes sur K. R.

De Reichardt, j'ai déjà parlé, j'en parle même régulièrement, depuis plus de dix ans, récemment encore, de manière oblique (sud-est → nord-ouest, pourrait-on dire), à l'occasion de l'album de Cabane, Grande est la maison. Et d'y évoquer, une fois de plus, l'esprit de Thoreau qui imprègne, traverse même (nord-nord-ouest), toute son œuvre, de Old Joy à First Cow. Thoreau, donc, qu'on prononce \soro\ comme sorrow, cette tristesse qui n'est rien d'autre qu'une "joie passée"... d'où la mélancolie que Reichardt, dont le nom, lui, se prononce \recard\ comme record, "enregistre" avec la même sensualité, symbiotique, que celle d'un transcendantaliste, celle aussi, homoérotique — une constante chez Jon Raymond, le scénariste privilégié de Reichardt —, qui sourd de nombreuses scènes... sensualité d'autant plus recherchée qu'elle est entachée de la perte, de celle qui touche aux origines — l'Amérique originelle —, en accord avec le style country folk de la musique (de Yo La Tengo à William Tyler en passant par Jeff Grace)... Et fait du cinéma, à la fois enraciné et nomade, de Reichardt un cinéma-témoin, témoin non pas de la beauté du monde mais de ce qu'il en reste aujourd'hui.

Rappels:

1. Old Joy est une pure merveille. Arriver à transcrire avec autant de justesse, autant de délicatesse, les petites failles angoissantes de l’existence, c'est tout simplement prodigieux. Rappelons les faits: deux amis que des choix de vie ont séparés (plutôt des non-choix en ce qui concerne Kurt, le personnage "immature" et gentiment crazy, campé par Will Oldham, alias Bonnie Prince Billy) se retrouvent le temps d’un week-end pour une balade en forêt, avec comme destination les sources d'eaux chaudes de Bagby (c'est dans l’Oregon). Loin des bruits de la ville, loin des bruissements du monde, relégués à l’arrière-plan, plus exactement en fond sonore (une émission politique entendue à la radio, au début et à la fin du film), Kelly Reichardt vous fait vivre, au son de quelques accords de guitare (signés Yo La Tengo), une expérience que vous n’êtes pas prêt d’oublier. Ça commence par ce qui pourrait être l’ouverture d’un film de terreur (un ami qu’on n’a pas vu depuis longtemps vous propose au téléphone de faire une promenade dans les bois, il dit connaître l’itinéraire mais, en cours de route, se trompe de direction...), ça continue par ce qui pourrait être la scène nocturne, au coin du feu, d’un western gay (l’ami vous confie sa théorie de l’Univers — assimilé à une larme qui tomberait éternellement dans l’espace — mais surtout que vous lui manquez terriblement). Et puis non, rien de tout cela, le soleil réapparaît — "Sunshine" crie Will Oldham — et vous voilà parti pour une randonnée écolo au milieu des cours d'eau, des arbres moussus, des fougères et des limaces, avec un chien, bout de bois à la gueule, pour vous accompagner, jusqu’à ces fameuses sources où là, subitement, le temps semble s’arrêter. Un bain chaud dans le creux d’un tronc d’arbre, pendant que s’égouttent les dernières traces de pluie et qu’un oiseau chante. L’ami vous raconte une histoire à dormir debout puis vient subrepticement vous masser le cou. Vous résistez un peu, vous êtes tendu, mais finalement vous vous laissez faire. Et c’est l’extase (ah, la main qui glisse dans l’eau). Blissfully yours. Un petit nirvana, un sommet de sensualité. Et après? Après, rien, le vide absolu, terrifiant, comme toujours après de tels moments, si intenses. C’est le retour à la ville, vous êtes songeur (vous attendent à la maison votre femme qui elle-même attend un enfant, et demain le boulot), lui est totalement perdu (personne ne l’attend). "La tristesse n’est qu’une joie passée"...

2. Nord-Ouest.

"I am but mad north-north-west" (Hamlet)

Si les films de Kelly Reichardt participent du traditionnel road movie (une virée dans Old Joy, le temps d'un week-end, pour rejoindre des sources d'eaux chaudes, l'itinéraire d'une "routarde" dans Wendy et Lucy, projetant d'aller en Alaska, le long périple de quelques migrants dans Meek's Cutoff, s'égarant dans les paysages désertiques de l'Ouest), ils le doivent aussi au parcours de la cinéaste dont la carrière s'apparente à une véritable traversée de l'Amérique. Reichardt a ainsi tourné son premier film, River of Grass, dans les Everglades, en Floride dont elle est originaire, puis, après une interruption d'une dizaine d'années pendant lesquelles elle s'est beaucoup promenée (avec sa chienne Lucy) au milieu de la nature, a réalisé son deuxième film, Ode, dans le Mississippi, avant de rejoindre l'Oregon (sur les conseils de Todd Haynes) où elle a depuis tourné ses autres films. Soit une direction Nord-Nord-Ouest, voire north by northwest, dont on sait (cf. le film d'Hitchcock) qu'elle n'est indiquée par aucune boussole, ce qui collerait avec le sentiment d'égarement (et donc d'angoisse) qui accompagne le cinéma de Kelly Reichardt. Au passage, north by northwest (qui est une position nautique) se traduirait par "nord-quart-nord-ouest", sauf que seule existe la direction northwest by north (soit en français "nord-ouest-quart-nord") et que "nord-quart-nord-ouest", de toute façon, se traduit en anglais par... north by west(!). Bref, de quoi se perdre, à l'image du petit groupe de Meek's Cutoff...
Au-delà de la dimension trajective (au sens virilien du terme), c'est certainement cette expérience de la nature qui donne aux films de Reichardt une telle intensité. On sait que l'esprit de Thoreau est présent dans tous ses films qui prennent comme décor l'immensité de la nature américaine. Mais c'est surtout à travers tout un mouvement, celui de la contre-culture, qui va de Kerouac et la beat generation des années 50 à l'expérience radicale du désert dans les années 70, en passant par la mouvance hippie des années 60, que cet esprit s'exprime le mieux. Le cinéma de Reichardt, loin de prolonger le mouvement, vient au contraire en sonner le glas. Il s'y dégage une forme de désillusion, de tristesse, incarnée idéalement par Will Oldham dans Old Joy, personnage cosmique dont la théorie sur l'Univers se marie avec la musique lo-fi de Yo La Tengo, et que l'on retrouve également dans Wendy et Lucy à travers le personnage, en marge lui aussi, de Wendy, et dans Meek's Cutoff à travers celui de l'Indien, des personnages qu'on peut dire "à l'ouest" mais surtout seuls, immensément seuls. Solitude dont le point d'origine chez Reichardt se situe peut-être dans Ode, inspiré de la chanson de Bobbie Gentrie, "Ode to Billie Joe" (plus connue en France sous le titre "Marie-Jeanne", la version de Joe Dassin), chanson qui raconte le suicide d'un adolescent du point de vue, très détaché, voire indifférent, des petites gens du Sud...
Si dans Old Joy la forêt s'oppose par sa luxuriance à la minéralité et à la blancheur du désert, cette "évidence absolue du monde" comme le qualifiait Baudrillard (cf. Gerry de Van Sant ou encore Brown Bunnyde Gallo, avatars modernistes, et au demeurant très beaux, de cette évidence absolue), qu'en est-il du désert de Meek's Cutoff? On est loin de la "radicalité" décrite par Baudrillard. Le désert chez Reichardt n’est pas le lieu de la désertion, on n’y recherche pas l’expérience limite (comme dans Vanishing Point de Sarafian). Que Reichardt radicalise ici son propre cinéma ne veut pas dire que ce type de cinéma soit celui de la radicalité. Au contraire, ses films marquent l’impossibilité de la désertion comme expérience radicale. On est là dans le pur désenchantement, il ne reste que des bribes de désertion, le temps (éphémère) d’un bain chaud dans le tronc d’un arbre, ou alors en repoussant toujours plus loin la ligne d’horizon (l’Alaska, les montagnes bleues), non pour disparaître mais simplement se perdre (programme minimaliste).
Thoreau n’avait pas eu besoin d’aller bien loin pour vivre son expérience. Walden est à deux kilomètres de Concord. Personne ne l'a remarqué mais Meek's Cutoff se déroule l'année même — 1845 — où Thoreau construisit sa cabane pour y faire retraite (durant deux ans). Si la contre-culture a favorisé la résurgence de cette expérience originelle, l’utopie aujourd'hui c’est fini. Non seulement la forêt est dans la ville et l’Alaska un leurre, mais le désert lui-même n’existe plus, réduit à une sorte de triangle des Bermudes improbable. Chez Reichardt, c’est peut-être moins l’esprit de Thoreau qui survit que son fantôme, errant dans un monde plus que jamais incertain... Cf. le dernier plan, magnifique, de Meek's Cutoff, l'Indien vu à travers le regard d'Emily (Michelle Williams), innocent censé conduire le groupe on ne sait où... possiblement à sa perte (d'un point de vue spirituel) si l'on considère que, alors qu'à l'autre bout des Etats-Unis, à l'Est, un homme cherche l'harmonie avec la nature, ce qu'il appelle le "grand rapport", qu'il déserte le monde pour retrouver "le Monde" (via l'acquisition d'une certaine sagesse, "à l'indienne" justement), ici, à l'Ouest, c'est l'inverse: un Indien, qui jusque-là se confondait avec les rochers, semble — à travers les objets qu'il porte, tous récupérés du chariot brisé — se désolidariser de la nature, gagné qu'il serait par les premiers signes de "civilisation", soit le début pour lui et son peuple de la déculturation. Le raccourci est là, et c'est bouleversant. (juin 2017)

3. Lost.

Avec Meek's Cutoff Reichardt s’attache à nettoyer le western de sa dimension mythologique (c’est-à-dire hollywoodienne) pour nous offrir non pas un anti-western mais un western anti-hollywoodien. C’est d’ailleurs à ce niveau que se situe la part féministe du film, davantage que dans la relation entre Meek et Emily (le rapprochement que font certains à travers le mot cutoff, entre raccourci et castration, me paraît excessif). Le meilleur exemple de cet anti-hollywoodisme est l'utilisation par Reichardt du format 1:33, un format carré qui n’a plus cours aujourd’hui, qui n’est pas non plus exactement celui du western classique (1:37)... A vrai dire, la différence n’est pas perceptible, c’est surtout symbolique, le 1:33 (le vrai 4/3) c’est le format du cinéma muet. En y recourant, Reichardt veut-elle inscrire son film dans une autre tradition, celle des pionniers? Possible, mais puisque le film épouse le point de vue de la femme, on retiendra surtout l'interprétation que la cinéaste donne elle-même d'un tel format: le champ de vision — limité — des femmes de l'époque à cause de la coiffe (une sorte de bonnet à large bord) qui encadrait, en même temps qu'il protégeait de la poussière et du soleil, leur visage. (Le féminisme du film se situerait donc là, image de la vie pour le moins étriquée, sans véritable horizon, de ces femmes, suivant leurs maris à l'arrière des convois.)
Ce qui marque ainsi en premier lieu Meek's Cutoff, c'est le souci d’authenticité dont fait preuve Reichardt pour rendre son film le plus proche possible de ce que pouvait être au milieu du XIXe siècle la découverte de l’Ouest par les colons américains, via la fameuse "piste de l'Oregon". Reichardt joue dialectiquement de l'opposition entre naturalisme (simple reproduction de la réalité) et réalisme ("l'effort que l'on fait pour la comprendre", disait René Allio). Et c'est de ce jeu, entre contemplation (de la nature) et contingence (des événements), poésie (des lieux) et prosaïsme (du quotidien, tels ces gestes — non pas ralentis, nul éloge de la lenteur ici, mais replacés dans leur contexte, ce qui nécessite pour le spectateur d'aujourd'hui un véritable réapprentissage de la durée — comme traverser une rivière, réparer l'essieu d'un chariot, recharger un fusil...), bref, c'est de ce mouvement, de cette dualité naturalisme/réalisme que naît l'extraordinaire force du film ("Meek's cutoff" peut s'entendre comme mix cut off, "alliage coupé"). Et puis il y a ce drôle d'Indien, sorti de nulle part, mystérieux à tout point de vue, personnage central autour duquel s'articule la fiction. Plus que l'Indien et son insularité, c'est l'Autre, avec un grand A comme dirait... l'autre (figure pour le coup un peu trop explicite mais belle malgré tout). Je n'insiste pas, le cinéma américain (à travers notamment le western et le film fantastique) porte en lui la question du même et de l'autre... Plus intéressant me paraît le caractère énigmatique du personnage, quant à ses motivations réelles: conduit-il le groupe ou cherche-t-il à le perdre? Il dessine d'étranges figures sur les rochers, se lance tout d'un coup dans de longues incantations, refuse de communiquer (Emily — dont les lèvres sont de plus en plus desséchées — en parle comme d'un homme-enfant)... il n'est pas impossible qu'il soit fou, et je trouve cette idée magnifique. Reste la question — essentielle chez Reichardt — du territoire. Le sentiment de perdition qui accompagne les personnages est entretenu par la volonté, récurrente depuis Old Joy, de les faire marcher, au sens physique du terme. La marche, c'est vraiment le moteur de ses films, davantage walking movies que road movies. Car marcher, c'est encore la meilleure façon d'arpenter un territoire et donc de le comprendre, de se l'approprier. Le cinéma de Reichardt, c'est d'abord cela. En un sens, Meek's Cutoff marque un (premier) aboutissement dans son œuvre, œuvre fortement "vectorisée", d'Est en Ouest, à l'image de la Frontière... (juillet 2011)

(à suivre)

vendredi 25 juin 2021

[...]


An Opening, Music From First Cow, William Tyler, 2020.

A venir, pour l'été, un texte sur le cinéma slide de Kelly Reichardt. En attendant, un autre morceau de William Tyler: Parliament of Birds (extrait de Deseret Canyon, 2015).

jeudi 24 juin 2021

Path to War

Path to War de John Frankenheimer (2002).

L'engrenage.
 
Path to War est le dernier film de John Frankenheimer, un téléfilm en fait, qui avec le précédent, George Wallace, forme un diptyque passionnant, et même essentiel, sur la vie politique américaine des années 60, vue du côté démocrate, une politique marquée par les errements populistes (George Wallace est une sorte de proto-Trump, joué par Gary Sinise, qui n'hésite pas, pour des raisons purement électoralistes, à défendre la ségrégation) et l'engrenage vietnamien, dont fut à la fois victime et responsable Lyndon Johnson, brillamment incarné par Michael Gambon. En un sens, Path to War prolonge Seven Days in May (1964), du même Frankenheimer, avec Fredric March, dans le rôle du président Jordan Lyman — le nom fait écho à Lyndon Johnson — et Burt Lancaster dans celui du général Scott qui, lui, préfigure Westmoreland. A la question, brûlante à l'époque, de la guerre froide, répond quarante plus tard le regard lucide de Frankenheimer, et de son scénariste Daniel Giat, sur ce que fut le mandat de Johnson, lui qui rêvait au départ de "Grande Société" (rêve rooseveltien) mais fut rapidement ramené à la réalité, celle de la guerre du Vietnam dont il ne put/ne sut/ne voulut enrayer l'escalade quant à l'engagement américain, les troupes passant sous sa présidence de 16000 hommes à un demi-million! Le film est remarquable à plus d'un titre. D'abord par la tension dramaturgique qu'il maintient sans relâche durant 2h40, tension égale à celle des meilleurs thrillers. Mais aussi, et surtout, par l'intelligence dont fait montre Frankenheimer dans sa mise en scène, plus précisément le découpage de ses scènes, servies par l'efficacité des dialogues et le talent de ses interprètes. Où s'équilibrent parfaitement didactisme (le savoir sur cette période finalement mal connue de l'Histoire, pour ce qui est des coulisses, celles du Pentagone) et pédagogie (la manière dont Frankenheimer le transmet au spectateur). Il s'ensuit une véritable dialectique entre:
— d'un côté, ce qui relève du politikè, les décisions que doit prendre Johnson, qui tiennent compte des avis contradictoires de chacun, McNamara (Alec Baldwin), le secrétaire d'Etat à la Défense, vs. George Ball, opposé à la guerre, faucons vs. colombes, etc.
— et de l'autre, technè et praxis, la guerre et sa pratique, incarnée ici par le général Westmoreland, réclamant invariablement plus d'hommes et de bombardements pour mener à bien sa mission...
Autant d'éléments qui, à mesure que le film avance, témoignent de l'impasse (et du bourbier, faute de sortie) que va être la guerre du Vietnam pour les Américains, impasse illustrée aussi bien par les conseillers du Président, qui n'ont aucune connaissance du terrain, que par l'armée, méconnaissant, elle, la détermination du peuple vietnamien... des éléments qui ne peuvent que favoriser (et entretenir) le doute, à l'image de McNamara, remplacé par Clifford (Donald Sutherland), l'éminence grise dont le côté obséquieux (ah, le conclusif: "on vous conseillait mais c'est vous qui décidiez"...) traduit admirablement l'espèce de brouillard intellectuel dans lequel s'est trouvé plongé Johnson, découvrant au final, effaré, le nombre d'Américains engagés là-bas, mais incapable de trouver une solution au conflit, se contentant de mettre fin à la surenchère militariste, comme s'il déclarait "match nul" entre partisans et opposants de la guerre... Cette pensée brouillée, le doute qui l'a accompagnée, le film en rend compte de façon magistrale. C'est tout l'art de la dramatique chez Frankenheimer qui trouve ici sa plus belle expression. Et fait de Path to War un grand film politique. 

vendredi 18 juin 2021

[...]


First Cow de Kelly Reichardt, 2020.

La première moitié de 2021, c'est:

First Cow de Kelly Reichardt
Ms .45 d'Abel Ferrara (1981)

Providence de Chevalrex
Rêve capital de Bertrand Burgalat

Path to War de John Frankenheimer (2002)

[ajout du 27-06-21: Au revoir l'été, le joli film pastel de Kōji Fukada, 2013]

A l'abordage de Guillaume Brac
Mandibules de Quentin Dupieux

Camera de Fabio Viscogliosi
Once de Le SuperHomard & Maxwell Farrington
Vertigo Days de The Notwist

Petite Maman de Céline Sciamma

+ 4 films de Satyajit Ray que j'ai découverts:
Tonnerres lointains, 3 Filles, l'Adversaire, les Joueurs d'échecs

jeudi 17 juin 2021

Ideal BB


Rêve capital, Bertrand Burgalat, 2021.

Burgalat régale...

"Vous êtes ici" et Burgalat est là, avec son dernier album (+ la réédition du premier, The Sssound of Mmmusic)... BB, "l'homme idéal" de Tricatel (référence ironique au personnage joué par Julien Guiomar dans le film de Zidi, l'Aile ou la Cuisse, lui-même caricature de Jacques Borel, l'ex-roi du fast food et de la malbouffe, comparable aux gros labels qui produisent à la chaîne)... l'artisan et son côté orfèvre vs. l'industrie et ses machines à fric (dans les années 90, quand Tricatel est né, c'était "am stram gram, pique et pique et PolyGram")... donc Burgalat, toujours là, qui aujourd'hui réalise son rêve (capital) d'un album à propos duquel il peut dire que le but est atteint, parce que conforme à son "attente" (même si ça ne l'est jamais totalement), surtout parce que cette musique si singulière, alter pop jugée trop dandy à ses débuts, et goûtée du bout des lèvres, est devenue avec le temps, rançon d'une belle obstination et sans le moindre reniement, un pur modèle pop, au sens exemplaire du mot (par sa sensibilité, l'intelligence de ses textes, la finesse de ses arrangements, son phrasé...). Burgalat, définitivement classieux et inclassable. La référence ultime.

Tout est bon dans Rêve capital... des Retrouvailles, Sans accolades, avec L'homme idéal, au Rêve capital, à regarder le Spectacle du monde, Du haut du 33e étage, sachant que Vous êtes ici (c'est votre appli qui le dit), prêt à vous envoler... même si:


A la fenêtre du TGV entre Toulon et Cannes
L'ultimo de Morricone au casque... 

(KFC, Decathlon, Home Salons, Cave à vin... Gémo)

L'ultimo, Ennio Morricone, 1970.

dimanche 13 juin 2021

[...]


Claudine Gabay dans Baxter, Vera Baxter de Marguerite Duras (1977).

Des hommes, une femme et deux enfants: Sur trois films français.

Des hommes (Lucas Belvaux) — Au début, disons jusqu'aux premiers "retours" dans le passé algérien, on regarde ça d'un œil amusé: Depardieu (alias Feu-de-Bois), cabot grommelant, nous la joue "Harry Baur"; et son personnage quand il a 20 ans, avec son regard bleu acier fixant la ligne bleue des... djébels, évoque celui de Gabin dans Gueule d'amour... D'un œil amusé donc, mais vite agacé tant c'est, en même temps, pénible à regarder: la fête de famille, plus "festen" que festive, qui voit toutes les aigreurs, rancœurs et autres ressentiments, non pas remonter à la surface (c'était déjà là) mais s'exprimer plus ouvertement, face à celui qui est comme "mort" depuis 50 ans, ressassant sa haine du monde et des Arabes... a des airs de déjà vu, pire de cinéma daté et même un peu rance; les atrocités de la guerre d'Algérie, rappelant l'horreur du Chemin des Dames — dixit les vieux — ou d'Oradour-sur-Glane, mais ici commises par les deux camps, parce que la Guerre finalement, de quel côté qu'on la regarde, c'est toujours horrible... si horrible que certains épisodes, on ne peut les raconter (leitmotiv poussif du film), ce qui n'empêche pas de les évoquer, et de façon si insistante (à ce niveau Des hommes est "horriblement" édifiant) via ces voix intérieures (qu'on imagine en train de lire le roman de Mauvignier), surtout celle du cousin Darroussin, l'autre grand traumatisé du film, réfugié lui dans le silence buté du déni... bref, de façon si accablante que l'indicible finit par devenir bavard. Comme du Boisset. Un comble.

Suzanna Andler (Benoit Jacquot) — On connaît la genèse du film: la promesse faite par Jacquot à Duras d'adapter à l'écran la pièce de théâtre qu'elle avait écrite en 1968 (et créée l'année suivante), pièce qui ne l'intéressait plus trop, contrairement à Jacquot qui fut son assistant dans les années 70. A Duras, qui lui demandait pourquoi il aimait cette pièce, Jacquot avait répondu: "c'est du boulevard racinisé et non du Racine boulevardisé, comme on le voit habituellement", ce à quoi Duras, intriguée, avait répliqué: "Eh bien, fais-en un film, que je voie si ce que tu dis est vrai." Jacquot l'avait promis, et même re-promis à Duras peu avant sa mort. Il aura fallu vingt-cinq ans pour qu'il tienne sa promesse, et même davantage si l'on considère la demande initiale. Le résultat? Pour ce qui est du "boulevard racinisé", je ne me prononcerai pas, je ne sais pas vraiment à quoi ça ressemble... De toute façon ce n'est plus d'actualité. Pour ce qui est de la pièce de Duras, il reste le texte (une femme, un mari millionnaire qui la trompe, un journaliste payé par le mari pour qu'il devienne son amant...), le cadre (les années 60 symbolisées par les vêtements que porte Charlotte Gainsbourg: sous sa fourrure, une robe ultracourte et des bottes en cuir) et puis le décor (une villa à louer pour l'été — deux millions — sur la Côte d'Azur)... autant d'éléments, trop ancrés dans l'époque, dont on comprend que Duras s'en soit désintéressée par la suite. Du moins en ce qui concerne la version d'origine. Car elle va quand même la réutiliser cette pièce, la réactualisant, la déconstruisant pour en faire un film, en 1977. Ce sera Baxter, Vera Baxter. Voir le film de Jacquot sans connaître celui de Duras, n'est pas sans intérêt. Parce que Jacquot respecte le texte de Duras et que l'interprétation qu'en donne Charlotte Gainsbourg est remarquable, l'actrice aimantant littéralement le film, au point d'apparaître comme le vrai sujet de Suzanna Andler. Ce qui en fait aussi la limite. Car finalement ce que Jacquot apporte de plus à la pièce (outre le besoin, comme l'avait fait Duras, d'en éliminer l'aspect trop sixties), ce n'est que ça: le regard d'un cinéaste sur son actrice, regard que lui-même qualifie d'amoureux mais qui, à bien des égards, via cette insistance à traquer les expressions de Charlotte Gainsbourg, à tournoyer autour avec sa caméra (sans autre idée que celle d'être là, au plus près), se révèle assez obscène à la longue. J'y vois même une forme de male gaze, à filmer ainsi sous toutes les coutures (et les coutures ne sont pas toujours belles) le visage d'une actrice. De sorte que le film apparaît moins comme le résultat de la promesse faite jadis à Duras que comme une réponse à sa Vera Baxter, dans lequel l'auteure avait non seulement changé le nom de l'héroïne (en même temps que le prix de la villa, qui n'était plus à louer que "un million"), mais surtout féminisé son propos, en pervertissant le classique triangle amoureux, jusqu'à "exclure" l'amant, joué par Depardieu (vu seulement au début, à l'hôtel où était censée le rejoindre Suzanna/Vera), celui-ci étant remplacé par un personnage intermédiaire, absent de la pièce initiale, mais au rôle conséquent si on voit le film sous son angle féministe, puisque incarné par Delphine Seyrig, qui rapportait les paroles de l'amant ("Michel Cayre a dit..."). A l'arrivée, plus d'homme dans la villa (le mari restait off)... à la place, tel un gynécée abstrait, que des femmes autour de Vera Baxter, avec Seyrig donc et Noëlle Châtelet (vous savez, la sœur de Jospin, spécialiste de Sade), l'amie et ancienne maîtresse du mari... Et dehors, comme enfermant Vera dans son in-existence (le vide intérieur), prisonnière de son statut d'épouse doublement trompée (dans le titre, Baxter, le nom du mari, enclôt le prénom de la femme), cette musique de fête composée par Carlos d'Alessio (la "turbulence extérieure"), présente en continu, avec comme décor l'Atlantique (l'imaginaire Thionville-sur-Mer), loin, si loin de la Méditerranée (entretemps Duras est passée par les Indes)... Or que fait Jacquot si ce n'est de réintroduire l'homme dans le dispositif (l'amant, mais aussi l'agent immobilier qui idolâtre Suzanna...), celui non plus des années 60, mais pas non plus d'aujourd'hui, une sorte de dispositif archétypal, et pour le coup plus vieux encore, Jacquot s'y incluant lui-même, par tous ces mouvements de caméra, ces va-et-vient intempestifs qui, à l'opposé de l'écriture "blanche" de Duras (les plans fixes qui privilégient le regard, les travellings latéraux sur le paysage...), donnent au film l'impression de ne vouloir qu'une chose: ligoter la femme, quoi qu'elle dise, quoi qu'elle manifeste, pour mieux la posséder. Duras doit se retourner dans sa tombe.

Petite Maman (Céline Sciamma) — C'est quoi le bon âge pour Céline Sciamma? Je veux dire l'âge que doivent avoir ses héroïnes pour que ça fasse un bon film? 15 ans (Naissance des pieuvres), 10 ans (Tomboy), 18 ans (Bande de filles), 25 ans (Portrait de la jeune fille en feu)? Au vu du dernier (Petite Maman), 8 ans semble l'âge idéal tant le film est réussi, de loin son meilleur, débarrassé de tous ces poncifs qui d'ordinaire accablent son cinéma. Parce que c'est un film de latence(s). Qui marque une pause (davantage qu'une inflexion) dans la filmographie de Sciamma, un temps comme suspendu, où les choses se trouvent apaisées. De l'ordre de l'entre-deux, espace propice au fantastique, ici d'une étonnante douceur, à l'image des rapports de l'enfant avec l'Autre (dont il fait la rencontre), plutôt qu'avec son corps (qui ne le tracasse pas encore)... Dans un décor de conte (un bois et une maison dont on connaît les recoins, pas une forêt où l'on risquerait de se perdre), emprunt d'unheimlich — l'inquiétant familier — et de sororité, une petite fille qui vient de perdre sa grand-mère (maternelle) rencontre sa maman (qui est son double) quand celle-ci avait son âge. La force du film tient à l'extrême pudeur avec laquelle Sciamma déplie son récit, sans coquetterie de style ni coup de force narratif, ce qui donne au surnaturel un côté parfaitement banal... C'est beau parce que c'est simple, que les secrets ne sont pas enfouis dans les profondeurs d'un roman familial, mais juste tapis sous des feuilles (comme prêts à sortir). On entre ainsi de plain-pied dans Petite Maman (joli pré-générique qui voit la fillette faire le tour des chambres pour dire au revoir aux pensionnaires de la maison de retraite où vient de mourir la grand-mère, manière de prendre congé du réel pour mieux s'ouvrir à la fiction), affichant d'emblée la tristesse qui accompagnera le film (et surtout la mère), mais que la rencontre de l'autre (un autre-moi, un autre-maman) permet de consoler, via tous ces jeux qui sont propres à l'enfance (construire une cabane, faire des crêpes, se balader sur l'étang...). La latence c'est exactement ça: une parenthèse, dans la vie ou dans une œuvre, avant que tout ne se réveille à nouveau, ce qui, dans le cas de Sciamma, voudrait dire que sa Petite Maman reste sans lendemain. Mais qui sait... ça peut être aussi l'amorce d'un réel changement.

PS. La chanson "La musique du futur" qu'on entend sur le générique de fin est affreusement gnangnan et gâche un peu le plaisir.

mardi 8 juin 2021

Broadcast

Trish Keenan aux manettes.

Best of Broadcast, période 1996-2006: (par ordre chronologique)

— Accidentals / We've Got Time (single, Wurlitzer Jukebox, 1996 et Work and Non Work, compilation, Warp, 1997)
— Forget Every Time (Peel Sessions, 15 septembre 1996)
— Living Room / Phantom (single, Duophonic, 1996 et Work and Non Work, compilation, Warp, 1997)
— The Book Lovers (The Book Lovers, EP, Duophonic, 1996 et Work and Non Work, compilation, Warp, 1997)
— Message From Home (The Book Lovers, EP, Duophonic, 1996 et Work and Non Work, compilation, Warp, 1997)
— Hammer Without a Master (We Are Reasonable People, compilation artistes divers, Warp, 1998 et The Future Crayon, compilation, Warp, 2006)
— Come on Let's Go (single, Warp, 1998 et The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Echo's Answer / Test Area (single, Warp, 1999 et The Noise Made by People, Warp, 2000 pour "Echo's Answer" / The Future Crayon, compilation, Warp, 2006 pour "Test Area")
— Drums on Fire (single, Warp, 1999 et Extended Play Two, EP, Warp, 2000)
— Papercuts (single, Warp, 2000, Extended Play, EP, Warp, 2000 et The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Daves Dream (Extended Play, EP, Warp, 2000)
— Unchanging Window (The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Minus One (The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Look Outside (The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Until Then (The Noise Made by People, Warp, 2000)
— Locusts / Chord Simple (EP 3 titres avec "Come on Let's Go", Warp, 2000 et The Future Crayon, compilation, Warp, 2006)
— Poem of Dead Song (The Extended Play Two, EP, Warp, 2000 et The Future Crayon, compilation, Warp, 2006)
— Pendulum (Pendulum, EP, Warp, 2000 et Haha Sound, Warp, 2003)
— 7 (Microtronics, Volume 01, Warp, 2003)
— Before We Begin (Haha Sound, Warp, 2003)
— Ominous Cloud (Haha Sound, Warp, 2003)
— Hawk (Haha Sound, Warp, 2003)
— I Found the F (Tender Buttons, Warp, 2005)
— Black Cat (Tender Buttons, Warp, 2005)
— Tender Buttons (Tender Buttons, Warp, 2005)
— Americas's Boy (Tender Buttons, Warp, 2005)
— Tears in the Typing Pool (Tender Buttons, Warp, 2005)
— Michael a Grammar (Tender Buttons, Warp, 2005)

lundi 7 juin 2021

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Chevalrex: le single qui n'existe pas.

C'était beau tout au pied du Vercors
L'infini vertical de nos propres corps
N'indiquait pas plus de direction
Qu'un corps d'armée en action 

Face A: Monarchie — Face B: L'endroit d'où je parle