mercredi 9 février 2022

[...]


Jean-Marie Straub (aka Jubarite Semaran... ha ha) et Jean-Claude Biette sur le tournage des Yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour, plus connu sous le titre - un peu moins long - d'Othon

Dans le café de la cinéphilie perdue...

Parler du cinéma et des films, comme jadis... au café, le soir, après la séance. Avec fougue, passion, un peu de mauvaise foi et surtout une bonne dose d'humour... à la fois Straub et Semaran. Il y a dix ans, sur l'ancien blog (Balloonatic), ça en prenait parfois le chemin... aujourd'hui, tout ça est fini.

[12-04-22]

Oukraïna.

[14-05-22]

A Sergio, Fausto, Paulo et les autres...

Régulièrement, sur le blog, on me demande mon avis sur les Cahiers du cinéma, entendu: les Cahiers aujourd'hui, demande d'autant plus insistante que je m'étais engagé il y a quelques mois, à l'occasion des 50 ans de la revue, à en retracer (très subjectivement) l'histoire, me limitant toutefois à ce qui, pour moi en tant que lecteur, fut la période la plus stimulante, celle qui va du milieu des années 80 à l'an 2000. Si j'ai longtemps refusé de parler de la période actuelle, c'est que ce n'était pas l'heure, les Cahiers ayant dû relever le défi que furent, dans un premier temps, le renouvellement quasi complet de l'équipe, suite à la démission de Stéphane Delorme et avec lui l'ensemble de la rédaction, puis, bien sûr, la pandémie qui réduisit à la portion congrue l'actualité cinématographique, une des raisons qui, je suppose, poussa la revue à élargir au maximum son "champ d'expertise" (lui conférant un côté plus "encyclopédique", proche en cela de sa rivale Positif). Cette reprise en main générale d'une revue dans le cadre d'une actualité pénurique constitua, on s'en doute, un véritable handicap — d'autant plus sévère qu'inédit — qu'il a donc fallu progressivement surmonter, et deux à trois ans pour y parvenir, c'était bien le minimum.
Aujourd'hui les nouveaux Cahiers ont trouvé leur vitesse de croisière et, question ligne éditoriale, avec la primauté accordée à la critique de films, on peut dire qu'ils s'inscrivent dans la continuité de ce qu'a été la revue depuis toujours. La question de l'indépendance, soulevée initialement — c'est elle qui avait motivé le départ de l'ancienne équipe — ne se pose plus, en tous les cas plus personne ne la pose. Tout va bien alors, me dira-t-on. D'une certaine façon, oui. J'exprimerai néanmoins deux regrets. Le premier touche au danger que représente à mes yeux ce besoin de vouloir couvrir chaque mois toute l'actualité (films toujours plus nombreux, qu'ils sortent en salles ou sur les plateformes, rétrospectives, DVD et livres, enquêtes diverses...), sachant que celle-ci est en expansion continue et que, ce qui était justifié du temps de la crise sanitaire avec la fermeture des salles, l'est beaucoup moins maintenant, cette tendance à l'exhaustivité poussant à corseter les sujets, certes proportionnellement à leur importance, mais avec toujours cette contrainte de devoir limiter l'espace réservé à chaque sujet, même les plus importants. On comprend qu'une telle course, à l'ère du numérique, répond au désir d'intéresser le plus grand nombre. Et, à ce titre, il est appréciable que la revue s'ouvre davantage à ses lecteurs (les détracteurs y verront une réponse au souhait de "convivialité" exprimé par ceux qui l'ont rachetée, mais c'est un mauvais procès), par le biais, outre la multiplication des sujets traités, de nombreuses rencontres avec le public (ainsi le retour du ciné-club), mettant fin à la pente "autarcique" sur laquelle glissaient les Cahiers depuis une quinzaine d'années. Mais il est dommage que la revue, au sortir d'une de ces crises qui ont marqué son histoire, et la dernière ne fut pas moindre que les précédentes, n'aient pas saisi l'opportunité qui s'offrait à elle d'apporter un nouveau souffle, se satisfaisant finalement de perpétuer "l'esprit Cahiers". Le fait qu'il s'agit d'une équipe nouvelle — peu de ceux qui forment le comité de rédaction avaient l'expérience de la revue — explique probablement cette fidélité, mais au bout de trois ans il est peut-être temps, non pas de faire peau neuve (ce qui serait une forme d'arrogance vu la "jeunesse" de l'équipe), mais d'afficher plus nettement son identité. C'est là mon second regret: hormis le credo cinéphile, qui est propre à toute bonne revue qui promeut le cinéma d'auteur, il est difficile de faire ressortir ce qui singularise aujourd'hui les Cahiers... On repère certes, ici et là, un anti-naturalisme mais ce n'est qu'un positionnement, pas le point de départ d'une réflexion plus approfondie qui, sur le plan esthétique, engagerait véritablement la revue. D'une manière générale, par rapport à ce qui a longtemps constitué la "sainte trinité" des Cahiers, à savoir la cinéphilie, la politique et la théorie, on assiste à un rééquilibrage des forces, dans la lignée de ce que fut la revue dans les années 90, faisant la part (de plus en plus) belle à la cinéphilie, au détriment de la politique (réduite à quelques réactions purement corporatistes) et plus encore de la théorie, champ appauvri et même aujourd'hui totalement sinistré. La raison de ce flou au niveau identité réside, en partie, dans l'abondance des rédacteurs, dont le nombre ne cesse de croître au fil des numéros, favorisant une forme d'anonymisation, de sorte que la "communauté de goûts" qui fonde et soude une revue, sans disparaître (heureusement), tend à se diluer. On voit l'aporie: multiplier les portes d'entrée pour accrocher davantage de lecteurs, tout en faisant face à une actualité toujours plus galopante, ce qui impose de recourir à plus de contributeurs dont la diversité à mesure que leur nombre augmente ne peut qu'affaiblir l'identité de la revue. Un phénomène qui n'est pas spécifique aux Cahiers, évidemment (cf. Positif où officient pas loin d'une cinquantaine de collaborateurs), et dont on peut craindre qu'il soit inexorable. Les regrets que j'exprime ne feraient alors que traduire ma nostalgie des Cahiers d'autrefois, ceux de ma jeunesse. Oui peut-être... Mais faut-il s'en contenter? Et se limiter au constat que les Cahiers, en matière de critique, et ce malgré des textes de qualité inégale (certains jurent vraiment par leur académisme), demeurent toujours la meilleure revue de cinéma? Non, bien sûr. Je n'ai pas de leçons à donner, mais c'est justement pour ne pas me complaire dans cette nostalgie que j'aurais aimé que les Cahiers sortent un peu de leur "zone de confort", qu'ils se risquent davantage, en se libérant du culte de l'événement, prenant plus de recul par rapport à l'actualité... Qui verrait la revue revenir plus longuement sur les films récents qu'elle juge importants, jusqu'à ouvrir de vrais débats autour des plus "clivants" (pensons à Vortex de Gaspar Noé), consacrer aussi plus d'espace aux films dits "minoritaires", ces films à la sortie incertaine et qui, lorsqu'elle a lieu, ne sont pas suffisamment accompagnés... à l'inverse ne pas s'attarder plus que nécessaire sur ceux qui font l'unanimité dans l'ensemble des médias... bref, on l'aura compris, retrouver un peu de l'idéal critique que prônait Daney. Un peu seulement, compte tenu de la situation aujourd'hui difficile de la presse, mais un peu c'est déjà beaucoup, qui "force" à nager à contre-courant. Un tel resserrage permettrait de contenir le nombre des rédacteurs, de sorte que le collectif fasse vraiment groupe, et ainsi, par la prééminence de quelques signatures reconnaissables, toujours les mêmes, d'imprimer sa marque à la revue. Ecrivant cela, je découvre dans le dernier numéro (celui de mai) le très bel ensemble consacré à La Maman et la Putain d'Eustache... eh bien, c'est exactement vers ce type de travail que j'aimerais que la revue s'oriente de façon plus générale. Moins de sujets et, pour les principaux, une approche disons "polyphonique"... Manière (il y en a d'autres) non pas de s'écarter de l'actualité — support incontournable — mais de la maintenir en crise (travail critique par excellence), en la bousculant, lui refusant cette emprise qu'elle exerce, qui oblige qu'on en rende compte tous les mois le plus complètement possible. Au contraire, laisser suffisamment de place à ce qui ne relève pas de l'actualité en opérant des choix, radicaux, dans ce qui la constitue chaque mois, entre ce qui importe à la revue et dont elle parlera abondamment, via plusieurs numéros s'il le faut — l'occasion de renouer avec l'esthétique? —, et le reste dont elle rendra compte succinctement, ou pas du tout... installer une transversalité entre les numéros, qui rompe avec le côté trop "globalisant" de chacun, faire vivre ainsi les Cahiers d'un numéro à l'autre.

[23-05-22]

Va, je te hais. Point.

On saura gré à Desplechin de nous avoir épargné avec Frère et Sœur le côté sédimenté, multi-couches, qui d'ordinaire surépaissit, sinon encroûte, la fiction de ses "grands films bergmaniens", ceux qui touchent aux névroses familiales (ainsi de la famille Vuillard, de Rois et Reine aux Fantômes d'Ismaël en passant par Un conte de Noël), en lui imprimant une facture plus linéaire, qui ne passe pas non plus par le circuit "dédalesque" de ses autres films névrotiques, tels Comment je me suis disputé... et Trois souvenirs de ma jeunesse. Bref, quelque chose de plus léger, au niveau architecture, comparable à ce qui composait, mais dans un tout autre registre, Roubaix, une lumière.
Voilà pour les fleurs, parce que malgré cela Frère et Sœur est horrible à suivre. Le problème avec Desplechin c'est qu'il voudrait être un cinéaste du mystère (il s'en est approché dans des films comme Esther Kahn, L'Aimée ou encore Jimmy P., ses meilleurs films), mais se révèle avant tout un cinéaste de "l'explicite caché" (à distinguer de l'implicite qui suppose une démarche moins volontariste). Et quand ça touche à un affect aussi violent que la haine, avec le sous-texte fragmenté qui l'accompagne (+ les motifs bien cognés que sont le deuil, le dégoût, la dépression...), la réception est franchement pénible. Desplechin en est d'ailleurs conscient, évoquant comme thème de son film, moins la haine proprement dite que la façon d'en sortir. Sauf que la question "comment sortir de la haine?", le film ne la pose jamais vraiment, Desplechin se contentant juste de rendre cette sortie effective, à la toute fin, quand il est temps de conclure. Ce qui fait que durant les 4/5èmes du film, le spectateur se sera fadé non pas ce qui aurait dû orienter le film vers sa résolution finale, puisque seule une rencontre accidentelle (le hasard) entre le frère et la sœur, une fois les parents morts, pouvait selon Desplechin mettre fin à la haine, mais bien ce qui, au niveau de la fiction (avec tout l'intellectualisme qui est propre au cinéma de Desplechin, qui passe par le savoir — le savoir médical sur lequel s'appuient régulièrement ses films —, les mythes, les symboles — ah l'image de la grotte! — la religion juive et le tragique: Frère et Sœur c'est un peu Desplechin lisant par dessus l'épaule de Joyce, lui-même en train de lire Shakespeare)... ce qui au niveau de la fiction, donc, permet de retarder au maximum l'intervention du hasard, signe de l'attrait qu'exercent chez Desplechin (mais ça on le savait) les passions négatives.
Si les cinéastes du mystère n'en savent pas plus que leurs spectateurs, ne "découvrant" souvent leurs films que lorsque ceux-ci sont finis, les cinéastes de l'explicite caché, eux, en savent toujours trop, c'est pourquoi ils sont obligés de dissimuler. Le problème est de savoir ce qu'on dissimule (ou pas), jeu d'équilibriste dont Desplechin ne sort pas ici gagnant. Qu'on ne sache pas exactement le pourquoi originel de cette haine entre la sœur et son frère, se limitant à des indices volontairement inopérants (on suppose quelque chose de plus grave — justifiant la prison? — qu'une blessure narcissique chez la sœur-actrice ou qu'un besoin de narcissisation chez le frère-écrivain), OK... mais que Desplechin soit aussi peu inspiré pour mettre en scène ce qui, après "l'accident" dans le supermarché, vient dénouer la relation de haine qu'entretiennent depuis des lustres le frère et la sœur, réduisant la question (et sa réponse) à une petite scène faussement anodine qui, convoquant le passé, suggère quelques secrets inavouables (je n'en dirai pas plus), précipitant d'un coup d'un seul la réconciliation sans que cela ouvre d'autres horizons que celui, faiblard, d'une vie dorénavant apaisée (l'envie très ancienne d'Afrique pour la sœur, le goût retrouvé de la poésie pour le frère)... oui eh bien, ce pauvre finale, en regard de ce que la haine avait nourri d'intense et semble-t-il d'irréversible chez chacun d'eux, ne fait qu'entériner l'idée, soupçonnée tout au long du film, que "sortir de la haine" n'intéressait pas Desplechin et que mettre un terme à cette haine ne fut pour lui qu'une façon de "bien finir" son film — comme on met du baume sur un bleu — sans que rien finalement n'ait été résolu.

[07-06-22]

Pourquoi l'Ukraine?

Certes, pour expliquer la guerre que mène aujourd'hui la Russie contre l'Ukraine, on peut remonter à 2014 et l'Euromaïdan, considéré par Poutine comme un coup d'Etat téléguidé par les Etats-Unis, qui en réaction va entraîner l'annexion de la Crimée et la guerre du Donbass, et ainsi précipiter les choses, davantage que le soi-disant non respect par l'Ukraine des accords de Minsk ou encore l'argument facile d'un OTAN toujours plus gourmand, s'étendant à l'Est jusqu'aux portes de la Russie (sauf que l'idée d'Etats-tampons entre la Russie et l'Occident — ce que la Russie appelle "l'étranger proche" — qui garantiraient par leur neutralité une certaine paix, est une vaste blague au sens où c'est justement l'existence de tels Etats, soumis du coup à l'influence pressante (économique et/ou militaire) des deux camps, qui favorisent les conflits, là où une simple frontière, qui n'est jamais une ligne mais déjà une zone de haute tension, en "concentrant" justement les tensions se révèle autrement plus dissuasive (cf. Berlin du temps de la guerre froide ou la Corée, encore aujourd'hui)... On peut aussi remonter aux origines, en l'occurence la Rus' de Kiev, et redéployer l'Histoire jusqu'à nos jours, l'Histoire de la Russie, puis de l'Union soviétique puis à nouveau de la Russie, et de ses rapports (compliqués c'est le moins qu'on puisse dire) avec l'Ukraine, entité elle-même complexe. Mais le mieux est de se limiter à l'époque moderne, celle qui fait de Poutine, non pas l'héritier lointain d'Ivan le Terrible, Pierre le Grand ou la Grande Catherine mais celui, bien plus parlant, de Staline, en même temps qu'un proche cousin de Milošević qui lui aussi fut comparé à Staline (et à Hitler), si on rapproche les visées expansionnistes (la Grande Serbie) de l'ancien président serbe et sa politique génocidaire (le massacre de Srebenica) avec celles de Poutine. Staline donc, dont Poutine sans en être la réincarnation (ou alors en miniature) se révèle le grand réhabilitateur, tant la période que traverse la Russie actuellement s'apparente à une "restalinisation", visant à retrouver, sous prétexte d'humiliations (on connaît la chanson), toute la grandeur de la Russie soviétique. Pour s'en convaincre, il suffit de lire 2 textes:
1) celui rédigé par Poutine lui-même: De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens, publié en 2021 et dans lequel Poutine, outre sa réécriture de l'Histoire, évoque son mentor Anatoli Sobtchak, le premier maire post-soviétique de Saint-Pétersbourg, qui en 1992 déclara qu'après l'annulation du traité de 1922, les républiques fondatrices de l'Union — la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine (il y avait aussi la Transcaucasie) — devaient retrouver les frontières qui étaient les leurs quand l'URSS a été créée, et que tout le reste des acquisitions territoriales devait faire l'objet de négociations, parce que, écrit Poutine, "les bolcheviks ont arbitrairement formé les frontières et ont distribué de généreux cadeaux territoriaux" et que "en fin de compte, ce qui a guidé précisément les dirigeants bolcheviks lorsqu’ils découpaient le pays n'a plus d'importance. Vous pouvez discuter des détails, du contexte et de la logique de certaines décisions... une chose est claire: la Russie a en fait été dépouillée"... bref des négociations dans le but de rhabiller la Russie, et que — là c'est moi qui complète la pensée non formulée de Poutine — si ces négociations échouaient (par la faute bien sûr des dirigeants en place et de l'Occident, alors qu'elles ne peuvent qu'échouer, vu les exigences russes)... eh bien, le "rhabillage" de la Russie se fera de force, par une guerre.

2) celui de Piotr Akopov, politologue russe à la solde de Moscou: L'avènement de la Russie et d'un monde nouveau, publié accidentellement le 26 février 2022 par l'agence RIA Novosti, deux jours après l'attaque russe, puis vite retiré, le blitzkrieg prévu ayant lamentablement échoué, un texte qui confirmait, en même temps qu'il célébrait à l'avance la victoire russe, le projet impérialiste de Poutine.
Mais aussi, plus original car moins souvent cité, ce qu'écrit Constantin Sigov, un philosophe ukrainien, dans "Placards & Libelles", cette grande feuille pliée en quatre qu'on trouve en librairie et dans laquelle Sigov fait le lien entre la fermeture fin 2021 par la Cour suprême de Russie de Memorial International, l'ONG qui depuis 30 ans documentait les atrocités et autres répressions perpétuées en URSS par Staline et ses successeurs () et l'invasion de l'Ukraine, dans la mesure où c'est en Ukraine que le devoir de mémoire concernant l'époque soviétique s'effectue en toute liberté, ce que Poutine considère comme de l'anti-russisme (et on sait que dans sa bouche anti-russe = nazi). Extraits:
Après 2014 et les événements de la place Maïdan, on a pris coutume à travers le monde d'évoquer, de façon souvent confuse, ce qu'il était convenu d'appeler la "crise ukrainienne". Aujourd'hui, plus personne ne peut ignorer que ladite crise est en fait une "crise russe", intrinsèquement liée à la nature du régime poutinien.
Pourquoi Kiev reste-t-elle en travers de la gorge du Kremlin? Pourquoi cette subite accélération délétère? Pourquoi cette offensive en apparence irrationnelle? Les fantasmes pseudo-historiques qui hantent le cerveau de Vladimir Poutine cachent mal les menaces réelles et gravissimes qui pèsent sur son système. La vérité est qu'il y a un lien profond entre la fermeture de l'association "Memorial" en Russie et l'ouverture des hostilités contre l'Ukraine. Ce lien, rarement envisagé en Europe, vous semblera peut-être paradoxal mais il me paraît crucial. Et il l'est.
Entre l'interdiction faite à une association de poursuivre sa collecte de données sur les millions de victimes du stalinisme d'un côté et l'invasion d'un pays indépendant de l'autre, n'y a-t-il pas malgré tout, me direz-vous, disproportion? Au contraire! Le Kremlin juge tabou le libre accès aux informations sur les crimes commis sous la période communiste. Grâce à Poutine, Staline le rouge, couvert du sang innocent qu'il a versé sans compter, est redevenu le tsar blanc qu'il était en 1945, le vainqueur de l'Allemagne nazie à l'issue de la Grande Guerre patriotique (ainsi que les Russes nomment mythiquement la Seconde Guerre mondiale), l'édificateur de l'Empire soviétique jusqu'à l'Elbe, le père des peuples dominant l'univers. C'est pourquoi il est hors de question, pour son lointain mais féroce successeur, que le Goulag soit qualifié de crime contre l'humanité.
En révélant récemment la vérité sur le "Katyn de Carélie", en commençant à exhumer les morts des charniers de Sandarmokh, exécutés en masse par le NKVD en 1937-1938, Iouri Dmitriev, l'une des figures de Mémorial, a définitivement ruiné la version des révisionnistes proches du Kremlin qui voulaient continuer d'attribuer ce massacre aux Finlandais (). Soumis à toutes sortes de vexations et de persécutions, il a fini par être couvert d'infamie en étant déféré devant le tribunal sur la fausse accusation de pédophilie.
Le crime impardonnable qu'il a commis est d'avoir osé exposer le linge sale de l'Union soviétique au grand jour et d'avoir dévoilé le mensonge sur lequel est bâtie la Russie de Poutine. Mais en Ukraine, l'extermination par la famine de deux à cinq millions de personnes entre 1932 et 1933 n'est pas abandonné aux faussaires du passé et les historiens ne sont pas passibles de prison pour leurs travaux historiques éclairant les abîmes du passé.

(...) L'Ukraine porte les crimes soviétiques à la connaissance du tribunal universel. C'est pourquoi le Kremlin essaie actuellement de l'anéantir et de l'ensevelir dans un no man's land. Elle s'emploie à rappeler à l'humanité le destin de ceux qui ont vécu sur les "terres de sang" courant de la mer Baltique à la mer Noire et de la mer de Béring à la mer d'Azov où, entre 1933 et 1945, ont péri 14 millions de civils, emportés par la persécution organisée, la famine programmée et l'incurie militaire...

172 commentaires:

  1. Vous avez raison Buster, tout ça c'est du passé mais libre à vous de le ressusciter sur votre nouveau blog

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui bien sûr, mais c'est aussi une question d'esprit... le blog c'est devenu has been, la plupart de ceux qui fréquentaient Balloonatic l'ont progressivement déserté et ne reviendront pas ici, préférant s'exprimer ailleurs sur des forums ou les réseaux sociaux. Et je les comprends... Sur le blog c'est pas assez dynamique, je suis obligé de modérer en permanence les commentaires, à cause des trolls et autres excités qui auraient vite fait de polluer le débat, et tout ça ralentit les échanges, ce n'est pas assez vif

      Supprimer
    2. Après je ne sais pas, on peut toujours réessayer...

      Supprimer
  2. Ce post, est-ce Skorecki qui modianise ou Modiano qui skoreckise ?

    RépondreSupprimer
  3. The Souvenir de Joanna Hogg, vous l'avez vu ? Un film ambitieux qui mélange des tons très différents, la Partie 1 plus homogène est plus convaincante, je trouve, que la Partie 2 qui est moins autobiographique et du coup fait plus artificiel

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui j'ai vu les deux parties et plutôt bien aimé, mais avec des réserves moi aussi. En fait ce que j'ai aimé du film ce sont toutes les "petites choses", les relations à deux (ou trois), entre l'étudiante et son mystérieux dandy (l'humour à la Capra, le "mur de Jéricho" avec les peluches...) et surtout dans la seconde partie le lien entre l'héroïne et sa mère (Tilda Swinton est géniale), les petites touches poétiques (les immeubles de la ville, la campagne... ce plan récurrent avec les cinq arbres sous un ciel immense), tout ça est vraiment très beau, très inspiré, Hogg semble être dans son élément, la dimension intimiste du film, le deuil et le sentiment d'absence au monde au début de la partie 2... et puis ensuite il y a la mise en abyme, le film dans le film, dont je ne suis déjà à la base pas client et qui là est par moments très pataud, je trouve ainsi la représentation de ce qui correspond artistiquement à la "naissance d'un regard" chez l'héroïne plutôt scolaire (en même temps elle réalise son film de fin d'études, mais bon...) et la fin très arty, si c'est un hommage à Powell & Pressburger c'est franchement raté... Donc voilà, plutôt le côté Fragonard du film que son côté méta...

      Sinon une émotion mais toute personnelle, la caméra super 8 de l'héroïne, la Nizo 801

      Supprimer
    2. Entièrement d'accord, le meilleur de la Partie 2 c'est tout ce qui se passe dans la propriété des parents, c'est décrit avec une grande finesse

      Supprimer
    3. Oui oui... so british, avec tous ces petits détails, le panneau de bois qu'il faut enjamber pour entrer dans la salle à manger, le sucrier mal ajusté fabriqué par la mère, les promenades avec les deux chiennes (sur le tableau de Fragonard, c'est Dora ou Rosie?), et surtout je le répète Tilda Swinton, merveilleuse en mère attentive et inquiète (quand on sait en plus que ce regard plein de tendresse qu'elle porte c'est sur sa propre fille, dans son premier rôle). Sinon le personnage du dandy junkie de la partie 1 est très beau aussi

      Supprimer
    4. Existe-t-il des émotions non personnelles ?

      Supprimer
    5. Tiens un troll, ça faisait longtemps... Oui ma formule est peut-être maladroite ("une émotion toute personnelle") mais on comprend très bien ce que je veux dire: une émotion qui renvoie à quelque chose d'extérieur au film, en l'occurrence l'émotion que m'a procuré le fait de voir cette caméra Nizo et le souvenir qui lui est associé...

      Supprimer
    6. C'était une vraie question, pas un piège.

      Supprimer
  4. Et Red Rocket, vous l'avez vu ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non mais comme beaucoup le recommandent, je vais me laisser tenter

      Supprimer
  5. Et Petite Solange, on peut en parler ou c'est tabou ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pourquoi tabou? Bien sûr qu'on peut en parler, d'autant que j'aime beaucoup le film

      Supprimer
  6. François Bégaudeau18 février 2022 à 15:30

    Buster, allez voir si ce n'est pas encore fait le dernier film de Stéphane Brizé, Un autre monde, un film qui ne "se contente pas de dire ce qu'il a à dire", comme le pensent les Cahiers.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas encore vu le film ni lu ce qu'en disent les Cahiers. Je ne suis pas très fan des films de Brizé mais je leur reconnais une force qu'on ne trouve pas dans la plupart des fictions françaises qui traitent de sujets politiques ou sociaux... je ne sais pas si Brizé se contente de dire ce qu'il à dire, je dirais plutôt qu'il ne peut s'empêcher de rappeler tout ce qu'il y a à dire, notamment sur le monde du travail, et que par moments ce rappel tend à alourdir le propos.

      Supprimer
    2. Après on ne peut nier que chez Brizé les lignes de force sont toujours très ancrées, et que ça ne se limite pas à la seule performance de Lindon, même si l'impact qu'apporte l'acteur est majeur dans l'intérêt que suscite chacun de ses films (pas que ceux de Brizé d'ailleurs)... je me demande si finalement il ne faudrait pas considérer l'ensemble de la trilogie, en fait un triptyque avec ses trois volets (la Loi du marché, En guerre et donc Un autre monde), plus que chacun des films pris séparément, pour mesurer à sa juste valeur le travail du trio Brizé-Gorce-Lindon... bon, j'en saurai davantage après avoir vu le film, qui de toute façon m'attire beaucoup plus que le nouveau Mandico

      Supprimer
    3. C'est bizarre votre indulgence envers Brizé je crois me souvenir que vous aviez détesté En guerre

      Supprimer
    4. C'est vrai je n'aime pas du tout En guerre... beaucoup trop martelé dans son discours mais ce qui m'avait surtout révolté c'est la fin et le fait que ce soit Lindon le leader syndical qui s'immole par le feu (pour que son geste en faisant le buzz sur les réseaux sociaux permette de sauver l'usine), là où c'est plutôt un des ouvriers directement menacés qui par désespoir était le plus à même de recourir à un tel acte, il y avait dans ce film une sorte de "Lindon-centrisme", Lindon occupant tout l'espace de la contestation face aux patrons... Je ne sais pas ce qu'il en est dans Un autre monde, seulement qu'il joue cette fois le rôle d'un cadre, c'est pour ça qu'en considérant les trois films comme faisant partie d'un même ensemble, qui voit Lindon incarner trois pôles différents de l'entreprise (l'employé précaire, le cégétiste et donc un directeur de site), le Lindon-centrisme se disloque et devient du coup plus acceptable

      Supprimer
    5. Buster, feriez-vous partie des gens qui doutent ?

      https://www.youtube.com/watch?v=M4fyOY7O0YI

      Supprimer
    6. Les Cahiers ne se contentent pas de dire que Brizé se contente de dire ce qu'il a à dire.

      Supprimer
    7. Il flippe le Philippe.

      ça y est, vu Un autre monde... mieux que En guerre, c'est sûr, mais toujours cette même gêne par rapport au personnage central qui tend à tout vampiriser, se révélant finalement dans sa boîte comme le seul personnage loyal... car si au-dessus de lui c'est la déloyauté même: la multinationale dont la seule préoccupation est Wall Street, les actionnaires à satisfaire, etc. tout ça est connu... en bas, au niveau de la base, ce n'est pas très reluisant non plus, les ouvriers étant réduits pour l'essentiel à une petite bande de fourbes, désireux de piéger Lindon (sa parole, enregistrée à son insu, qu'il n'y a pas de plan social en cours), sans que rien n'ait été préparé en amont (au niveau du scénario), ce qui fait que ça survient comme un coup de force scénaristique, soit, pour le spectateur vis-à-vis de Lindon, l'effet vraiment d'un sale coup... équivalent à ce que l'on lui fera au niveau supérieur, quand la PDG lui proposera de faire porter la responsabilité de sa "faute" au collègue défaitiste pour sauver sa place... Le contrechamp que représente la vie de famille m'a paru pour le coup plus réussi grâce à Kiberlain qui rééquilibre en quelque sorte le tableau.

      Supprimer
    8. A propos de Vincent Lindon, vous avez vu Enquête sur un scandale d'état, un beau film politique où l'auteur ne se contente pas de dire ce qu'il a à dire ;) mais dit beaucoup sans trop en dire avec un Roschdy Zem grandiose

      Supprimer
    9. Oui Pablo (Escobar?), je l'ai vu, un bon film en dépit d'une mise en scène un peu trop frimeuse... l'intérêt du film est moins le scandale par lui-même que l'impossibilité de conclure quant à la personnalité du personnage que joue Roschdy Zem... même pas de savoir s'il était mytho ou pas, mais de se dire que le personnage était suffisamment trouble (borderline?) pour que sa mythomanie si elle existait ne se présente pas sous ses aspects habituels, qu'elle était ainsi comme indéchiffrable... bon, il y aurait d'autres choses à dire :)

      Supprimer
    10. C'est quoi une mise en scène un peu trop frimeuse ?

      Supprimer
  7. Réponses
    1. Mandico c'est une question de goût, on aime ou on n'aime pas, moi je n'aime pas. Pas vu After Blue, j'irai peut-être le voir, sachant quand même que les Garçons sauvages m'avait profondément déplu.

      Ce que je disais du film à l'époque:

      "A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger: sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords" (Francis Ponge, L'huître). Tout ça pour dire que dans le genre queer, à prétention camp, le truc de Mandico c'est sûrement mieux que le machin de Gonzalez... il n'empêche, ce type de cinéma esthétisant, poético-érotique, très fantasmatique et hyper-référencé, cette histoire de métamorphoses sur fond d'île au trésor, de queues qui tombent et de seins qui poussent, et toute la symbolique qui va avec, l'imaginaire trans, volontairement barré, comme le ridicule de certaines répliques, c'est vraiment pas ma tasse de thé, c'est aussi passionnant que... bah justement... le comportement des huîtres à la saison des amours.

      Supprimer
  8. Ah, c'est ici que ça se passe maintenant la critique des films. Vous n'écrivez plus de longs textes, c'est dommage. Et toujours rien sur Petite Solange et Introduction ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Introduction (qu'il faut voir deux fois comme tous les films de Hong Sang-soo pour bien saisir les enjeux narratifs) j'en ai parlé dans un autre post, la combinaison entre l'idée d'introduction (dans les trois segments un personnage annonce à un autre qu'il a quelque chose d'important à lui dire mais on n'en saura pas plus) et la figure de l'enlacement qui clôt chaque segment sur quelques notes de guitare... j'ai trouvé ça très beau, comme un poème en prose... à confronter au prochain HSS.
      Petite Solange, j'aime beaucoup aussi, probablement le plus beau film d'Axelle Ropert à ce jour, qui prolonge en l'enrichissant la Famille Wolberg, il faudrait d'ailleurs commencer à prendre en compte ce que le cinéma d'AR a de singulier, sortir des références revendiquées (Comencini, Demy, Truffaut) ou non (Ozu, Minnelli...) sortir surtout de l'habituel couplet sur la douceur, la délicatesse (il y a plus de rugosité dans le dernier film, ce qui rend le personnage de la petite Solange plus poignant encore)
      Tout ça il faudrait développer mais je n'en vois plus l'intérêt.. que les textes soient longs et travaillés ou courts et bâclés, en termes de réception ça ne change pas grand-chose, sitôt lus (à supposer qu'ils soient lus) ils sont oubliés, un texte chasse l'autre, donc je me contente de commenter les films (comme on le fait sur Facebook sauf que je le fais ici)

      Sinon je poursuis L'ultimo di Ozu (et Los Alamos), tranquille dans mon coin, et à mon rythme, comme Ozu et Noda dans leur chalet...

      Supprimer
  9. Il faut présenter ses papiers d'identité pour accéder à une salle de cinéma, la revue Trafic a cessé de paraître, Mark Lanegan n'est plus et en plus c'est la guerre. Alors à quoi bon ?

    RépondreSupprimer
  10. Vous avez écouté Bégaudeau sur Un autre monde ?

    https://soundcloud.com/la-gene-occasionnee/episode-39-un-autre-monde

    RépondreSupprimer
  11. Oui ? Non ? Ne sait pas ?

    RépondreSupprimer
  12. Dites Buster, si le cinéma ne vous intéresse plus, on peut parler d'autres choses : la guerre en Ukraine, l'élection présidentielle, la mort d'Yvan Colonna...

    RépondreSupprimer
  13. Pas trop motivé en ce moment pour parler des films (et encore moins écrire dessus) même si je continue d'en voir, et j'en vois même beaucoup, ce qui se passe en Ukraine me préoccupe davantage

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On peut savoir quand même quels films vous avez vus et lesquels vous ont plu ;)

      Supprimer
    2. Les trois premiers films de Tanaka dont Maternité éternelle, son plus beau (superbe mélo), des films sans grand intérêt comme le poussif Histoire de ma femme ou le boursouflé Batman, pur film pour ado et ceux qui le sont restés ("effets" maximum, récit minimum, réduit aux confidences des personnages, condamnés à nous "raconter" leur passé pour que l’histoire tienne vaguement debout, mais rien de construit en termes de récit, le film ce n’est que de l’esbroufe - Nolan revient!)... il y a encore Petite Nature qui vaut par son petit héros mais le naturalisme du film (tout le côté cassos, ce naturalisme qui gâchait déjà Party Girl) lui n’est pas petit, et la fin est complètement con (l’ambiguïté pédophile, alors que l’instit a incarné la figure manquante du père durant tout le film, voire la question du genre, ne viennent là que pour cocher quelques cases sociétales à la mode)... Plumes que j’ai bien aimé, surtout le côté kaurismakien du film, via le personnage féminin, sorte de Kati Outinen égyptienne, le film, par sa poésie, échappe à ce qui le menaçait (l’aspect "affreux, sales et... méchamment machistes"), et ce malgré une certaine complaisance, esthétiquement parlant, pour le crasseux... il y a aussi le Guiraudie, beaucoup aimé, encore plus à la revoyure... etc

      Supprimer
    3. Merci Buster. D’accord avec vous sur Viens je t'emmène et Plumes (l’aspect cracra du film ne m’a pas gêné.
      J’espère que vous allez écrire à nouveau sur les films car c’est toujours un plaisir de vous lire.

      Supprimer
    4. Rien à foutre, Bruno Reidal, vous les avez vus aussi ?

      Supprimer
    5. Thomas Grignon29 mars 2022 à 07:44

      Il se dégage de Bruno Reidal, le premier long-métrage de Vincent Le Port, une froideur au moins aussi terrifiante que les fantasmes violents de son personnage principal, jeune séminariste devenu assassin. Dès les premiers plans, où Bruno (Dimitri Doré) découpe la tête d’un enfant hors champ, la mise en scène affiche sa distance. Nulle surenchère gore dans cet atroce spectacle, mais une attention accrue pour le corps du tueur, ses gestes minutieux et la trace du plaisir pervers sur son visage. Ausculté lors de son arrestation, le personnage porterait sur son corps les traces de sa maladie mentale, suivant les principes de la médecine légale du début du XXe siècle. Mais en donnant la parole au principal intéressé, Le Port fait buter son étude scientifique d’un cas criminel sur le mystère métaphysique de l’origine du mal. C’est notamment le cas lors de trois scènes destinées à expliquer les perversions du tueur, à savoir l’égorgement d’un cochon sous ses yeux, une insolation qui l’a presque tué, et son viol par un berger. Le caractère traumatique de ces épisodes semble au fond moins intéresser Le Port que leur absence apparente de conséquences. Agressé dans un champ, Bruno finit la scène prostré au pied d’un arbre, au cœur d’une nature silencieuse et indifférente à ses souffrances. Le cinéaste adopte de fait le point de vue clinique du rapport rédigé par le docteur Lacassagne, joué ici par Jean-Luc Vincent, acteur vu chez Bruno Dumont. Et c’est dans le spectacle de pulsions brutales que Bruno Reidal tisse des liens avec le début de carrière du cinéaste nordiste. Comme les héros de La Vie de Jésus ou de L’Humanité, Reidal est tiraillé entre la satisfaction de besoins primaires et un élan spirituel censé sublimer sa libido.

      De cette tension, le film organise une mise en scène qui repose sur un répertoire d’images-choc alternant rétention (du désir, de la violence) et décharge (cf. la part centrale donnée aux scènes de masturbation). Dans chaque scène, la violence devient une issue possible, et son surgissement provoque un suspense analogue à celui d’un jump scare. L’indéniable fascination qu’exerce le film à cet endroit ne masque toutefois pas complètement l’ambiguïté de l’entreprise : à trop jouer la retenue, la mise en scène fait preuve d’une certaine affectation évoquant moins la rigueur de la morale catholique qu’une prudence précautionneuse. Les lents travellings qui encerclent Bruno lors de ses crises d’érotomanie tamisent la sauvagerie du jeune homme, comme si le spectacle de l’immondice ne pouvait s’accompagner d’une véritable représentation de la crasse. Si le film dresse le portrait d’un monde sans Dieu, où la ferveur religieuse de Reidal semble vouée à l’échec, la frénésie de ce personnage en lutte contre sa propre folie peine à transparaître.

      Supprimer
    6. Bruno Reidal, je l'ai vu... le film a une réelle force, on peut trouver trop appuyé l'onanisme frénétique du personnage mais c'est dans les mémoires de Reidal, la masturbation accompagne invariablement ses idées de meurtre, le réalisateur s'en tient à ce qui est écrit, ce qui fait par exemple que les événements biographiques qui auraient joué dans la généalogie du crime (l'épisode d'insolation, la mort du cochon associée à un moment festif, le viol par le berger) se retrouvent curieusement équivalents... peut-être Le Port aurait-il pu ouvrir son film davantage qu'il ne le fait sur ce qui n'est pas purement clinique et pulsionnel (ce qu'on trouve dans les cahiers de Reidal et qui n'a pas été retenu), la tentation du mystique est présente mais comme bridée... Ce qui m'a surtout frappé c'est la similitude du personnage avec le Pierre Rivière d'Allio bien que les deux cas soient différents, Reidal a le profil d'un potentiel tueur en série qui n'aura tué qu'une fois (et puis Allio adapte le dossier qu'avait établi Foucault, l'approche y est beaucoup plus politique, s'il avait traité de l'affaire Reidal peut-être l'aurait-il orientée vers la question, contemporaine du cas, de la laïcité, la séparation de l'Eglise et de l'Etat... ici c'est de l'anthropologie criminelle, tout juste naissante en 1905). Pourtant l'image de Rivière résonne avec celle de Reidal au point que le film d'Allio semble hanter celui de Le Port: outre le cadre paysan et les références picturales, les deux personnages répondent à la même description physique (tête penchée et regard buté chez Rivière, j'ai écrit un texte là-dessus... tête penchée et inclinée vers le bas chez Reidal)... la représentation du meurtre (la fin qu'on voit au début et le début à la fin chez Allio... vs. la décapitation au couteau - le son est terrifiant - vue à travers le regard de Reidal, son expression, au début du film, le contrechamp à la fin, Reidal de dos portant ses coups sur la victime)

      Bruno Reidal: "grand crime"... grand film (oui quand même)

      Supprimer
  14. Je vous conseille Contes du hasard et autres fantaisies d'Hamaguchi, le film du mois d'avril pour les Cahiers.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est prévu... j'adore les films de Hamaguchi, surtout Passion et Asako (Drive My Car j'aime aussi mais je le place en dessous)

      Supprimer
  15. Ah, vous reparlez des films, la guerre en Ukraine occupe moins vos pensées, vous aussi vous commencez à saturer ! :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non non je ne sature pas... mais c'est aussi parce que je n'écoute pas les chaînes d'info avec leurs discours en boucle, en fait je rattrape à travers de nombreuses lectures le retard que j'avais accumulé sur le sujet: sur l'Ukraine mais aussi la Géorgie, la Moldavie, l'Azerbaïdjan, la Tchétchénie... les ambitions expansionnistes de Poutine et de la Russie depuis 20 ans, les failles de l'Occident, etc... les films j'en parle mais pour l'instant que dans les commentaires

      Supprimer
    2. Quelles lectures conseillez-vous sur ces sujets ?

      Supprimer
    3. Ouh là, difficile de répondre... c'est surtout sur internet: pour ce qui est des conflits, je me sers beaucoup de wikipedia et des références auxquelles renvoient les pages, après je butine... pour le reste il s'agit de sites, c'est très varié, inégal, celui que je consulte souvent c'est Desk Russie, un site certes ouvertement opposé à Poutine, mais bon, dans lequel on trouve pas mal de textes éclairants qui nous changent du blabla lénifiant des apôtres du Ni-Ni (Ni OTAN, Ni Russie) ou du "oui mais..." (Poutine criminel, oui mais l'Occident a humilié la Russie)

      Supprimer
  16. Mariupol, Bucha... et c'est pas fini, on va découvrir plein d'autres atrocités commises par les Russes. Donnons enfin à l'Ukraine les moyens (chars et avions) de les chasser !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les sanctions n'ont pas d'effet à court terme c'est sûr, il faut probablement franchir un cap au niveau de l'aide militaire... l'horreur de telles scènes fait écho à d'autres tragédies comme le massacre de Srebrenica ou ceux durant la guerre en Syrie, sur le moment j'ai eu du mal à croire que cela avait été perpétré par des jeunes conscrits russes qu'on disait pas suffisamment aguerris (on évoque l'alcool, l'effet de panique, l'extrême dureté du service militaire en Russie... mais ça n'explique rien), au point que je me demandais si ce n'était pas plutôt des milices paramilitaires style Wagner ou des supplétifs syriens ou tchétchènes qui avaient fait ça, mais il semble que non... et puis la réaction hallucinante de Moscou, dans le même registre depuis le début: le mensonge au mépris de l'évidence (un seul discours des autorités russes, le même que celui qui est servi à leur population), comme s'il s'agissait d'une guerre "invisible" dans une région reculée du globe alors qu'on vit une "guerre mondialisée" (cf Bertrand Badie).

      Supprimer
  17. Stéphane Delorme5 avril 2022 à 19:20

    Pablo, 31 mars 2022 : "Je vous conseille Contes du hasard et autres fantaisies d'Hamaguchi, le film du mois d'avril pour les Cahiers."

    Hé Pablo, tu fais partie du comité de rédaction ?

    RépondreSupprimer
  18. Et les élections, Buster ? Toujours macroniste ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. N'importe quoi, je n'ai jamais été macroniste, il se trouve seulement que je n'adhère pas non plus au populisme des politiciens anti-macronistes, quel que soit leur bord... c'est pourquoi la campagne électorale je l'ai suivie en pointillé, je note juste que Macron s'est défilé, qu'il a pris cette campagne par dessous la jambe (au nom de la guerre en Ukraine, aussi parce qu'il était persuadé d'être réélu), que l'effet drapeau ne jouera pas, Macron obtiendra au 1er tour le score qui était le sien avant la guerre, que s'il y a une dynamique Le Pen qui peut l'amener en tête dimanche prochain, c'est quand même assez artificiel, Le Pen, "recentrée" par la candidature Zemmour (une stratégie secrète?), ne fait que reprendre les voix que celui-ci lui avait piquées au début (Le Pen + Zemmour = 30-32%, ça ne bouge pas) et que s'il y a une vraie dynamique c'est celle de Mélenchon qui n'a siphonné les voix de personne cette fois et a su convaincre 6 à 7% d'indécis en deux mois...

      Supprimer
    2. C'est globalement que ça ne bouge pas : Mélenchon + Roussel = 20%, soit le score de Mélenchon au 1er tour en 2017 ; Pécresse + Zemmour = quasiment celui de Fillon ; Macron fait un peu mieux en grappillant 2-3% à droite ; Le Pen fait exactement pareil : entre 21 et 22% ; Jadot + Hidalgo = Hamon. Rien n'a bougé.
      La chance de Mélenchon est que la droite s'est divisée en 2 camps, les modérés (Valérie) et les identitaires (Eric) et qu'il arrive ainsi 3ème. Son principal obstacle est l'affreuse Le Pen.

      Supprimer
    3. C'est pourquoi il faut voter en masse pour Mélenchon au premier tour et qu'il se qualifie pour le second : les insoumis seront contents, ils rêvent tous d'un débat entre Mélenchon et Macron, et les macronistes aussi seront contents puisque d'après les sondages les chances de Macron sont plus importantes contre Mélenchon que contre Le Pen.

      Supprimer
    4. Fabien Roussel8 avril 2022 à 21:32

      Mélenchon, s'il est élu, m'a promis le Ministère de la Joie de vivre.

      Supprimer
  19. Le Vote Utile a raison mais il oublie l'essentiel : Mélenchon au second tour, ça veut surtout dire que Le Pen n'y est pas, ce qui serait fort appréciable.

    RépondreSupprimer
  20. Jean-Luc Mélenchon10 avril 2022 à 23:07

    Aaaaah le vote utile m'a "tuer" !

    RépondreSupprimer
  21. La remontada de Mélenchon est historique ! Macron devra tenir compte de ce score élevé de LFI dans l'entre-deux-tours s'il veut espérer battre Le Pen. Finalement, ça ne pouvait pas mieux se passer, si ?

    RépondreSupprimer
  22. Le duel Macron-Le pen on s'en fout, on n'ira pas voter

    RépondreSupprimer
  23. Les deux candidats ne sont que des pions. Derrière Macron il y a le monde de la finance, derrière Marine Le Pen il y a la pensée d'extrême droite.

    RépondreSupprimer
  24. Rien sur Michel Bouquet ?

    https://www.dailymotion.com/video/x89gvrf

    RépondreSupprimer
  25. Marie ou Paul ?15 avril 2022 à 18:57

    Buster, on a attend toujours ces deux arguments massues que vous nous avez promis et qui vous permettent de dire que le but de guerre de Poutine c'est l'Ukraine et pas seulement le Donbass ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas si ce sont des arguments massues... c'est dans le fameux texte de Poutine publié l'an dernier "Sur l'unité historique des Russes et des Ukrainiens", un texte qu'il faut vraiment lire, tout y est... outre l'Histoire de l'Ukraine version Poutine, les justifications à l'avance de la guerre d'annexion qu'il mène aujourd'hui, le fait que la Crimée soit rattachée à la Russie - Poutine cite pour cela Anatoli Sobtchak, le premier maire post-soviétique de Saint-Pétersbourg qui fut son mentor et qui déclarait en 1992 qu'après l'annulation du traité de 1922, les républiques fondatrices de l'Union: la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine devaient retrouver les frontières qui étaient les leurs quand l'URSS a été créée, et que tout le reste des acquisitions territoriales devait faire l'objet de négociations, parce que, écrit Poutine, "les bolcheviks ont arbitrairement formé les frontières et ont distribués de généreux «cadeaux» territoriaux" et que "en fin de compte, ce qui a guidé précisément les dirigeants bolcheviks lorsqu’ils découpaient le pays n'a plus d'importance. Vous pouvez discuter des détails, du contexte et de la logique de certaines décisions. Une chose est claire: la Russie a en fait été dépouillée"... bref des négociations dans le but de rhabiller la Russie, et que - là c'est moi qui complète la pensée non formulée de Poutine - si ces négociations échouaient (par la faute bien sûr des dirigeants en place et de l'Occident, alors qu'elles ne peuvent qu'échouer, vu les exigences russes via les mouvements séparatistes et la radicalisation des deux camps qui s'affrontent)... eh bien, le "rhabillage" de la Russie se fera de force, par une guerre, comme d'habitude.

      Supprimer
    2. Marie ou Paul ?16 avril 2022 à 19:52

      Merci Buster, je vais lire ce texte.

      Supprimer
  26. Rassurez-moi Buster, vous n'allez quand même pas voter pour l'horrible Macron. Marine à côté c'est une jeannette

    RépondreSupprimer
  27. Le front républicain ça n'existe plus parce que pour la plupart des gens le parti de la fille Le Pen n'a plus rien à voir avec celui de son vilain papa, elle l'a dénazifié comme dirait son copain Poutine.

    RépondreSupprimer
  28. Benjamin Castaldi20 avril 2022 à 19:17

    Loft Story nouvelle saison, c'est la grande finale : pour Emmanuel tapez 1, pour Marine tapez 2

    RépondreSupprimer
  29. Marine Le Pen est quand même moins dangereuse que l'était son père. Il n'y a plus de néo-nazis aujour'dhui au Rassemblement National. Elle sert de prétexte pour reconduire Macron alors que Macron c'est cinq ans de casse sociale, des gilets jaunes éborgnés, des lois liberticides, etc.

    RépondreSupprimer
  30. Je maintiens que le RN c'est pas l'extrême-droite et c'est pour ça qu'on vote Le Pen ou qu'on s'abstient de voter Macron !

    RépondreSupprimer
  31. Non, le RN c'est l'extrême droite, le problème est que beaucoup de ses électeurs ne savent pas ce qu'est l'extrême droite (je pense à tous ces jeunes qui n'ont pas de conscience politique - rien à voir avec ceux de mai 68 - et sont prêts à voter Le Pen) ou en ont une idée si confuse (entretenue par la Marine) qu'ils croient au baratin lepéniste. Reste les antimacronistes, tellement remontés contre Macron que s'ils doivent jouer les castors ce sera pour faire barrage au mondialisme libéral... et les autres, les ultra de droite (les cathos tradis, les flics et les fachos)... à l'arrivée ça va faire 44-47%, ce qui est "kolossal" quand on sait que dans les autres pays où l'extrême droite gouverne, celle-ci n'atteint pas de tels scores et que si elle gouverne c'est par le biais de coalitions.

    RépondreSupprimer
  32. "Pour ne prendre qu’un exemple, dans le domaine du logement, la candidate entend régler la pénurie d’offre sociale par la résiliation du bail de plus de 500 000 foyers de locataires étrangers, légalement présents en France. De deux choses l’une : soit cette mesure est inapplicable, et Marine Le Pen ne réglera aucun des problèmes qu’elle prétend prendre en considération, le logement social pas davantage qu’un autre. Soit elle est mise en œuvre avec une brutalité incompatible avec les valeurs élémentaires de la République. Cet apartheid de fait s’ajouterait au viol des institutions et au chaos dans l’économie et la société."

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/22/empecher-le-pays-de-se-defaire_6123258_3232.html

    RépondreSupprimer
  33. Voilà, c'est ça Marine Le Pen.

    Merci.

    RépondreSupprimer
  34. Mais enfin Buster, le RN de MLP n'a rien à voir avec le FN de JMLP.

    RépondreSupprimer
  35. Ai-je dit le contraire? Il me semble avoir écrit que le parti avait muté, sans pour autant s'être métamorphosé. Si le RN de Marine Le Pen diffère du FN de Jean-Marie Le Pen, il n'en reste pas moins un parti d'extrême droite. D'ailleurs il faudrait que je retrouve la référence mais j'ai lu d'un éminent spécialiste de l'extrême droite (JY Camus ou Lebourg?) que le programme du parti mariniste renoue davantage avec celui d'Ordre Nouveau (moins la violence) qu'il ne prolonge celui du FN (qui d'ailleurs au départ n'était que la vitrine électorale d'ON).

    RépondreSupprimer
  36. Au niveau démagogie crasse et incompétence, il y a en tout cas une belle continuité entre Le Pen et ses futurs ministres :

    https://twitter.com/claudeposternak/status/1517176909427322882

    RépondreSupprimer
  37. Alors Buster, le score de Macron, il est plus élevé que vous ne le pensiez, non ?

    RépondreSupprimer
  38. Oui ça va tourner autour de 59%... j'ai peut-être sous-estimé les effets de la campagne de Macron qui ne s'est faite qu'entre les deux tours mais a été relativement efficace... après, voir Le Pen à 41% ça pique quand même les yeux, même si bien sûr beaucoup qui votent RN ne savent pas ce qui se cache derrière, se disant voter pour un parti populiste davantage que pour l'extrême droite.

    RépondreSupprimer
  39. C'est pire que ça : on est à 57,5/42,5 selon les dernières estimations avant dodo...

    RépondreSupprimer
  40. Résultats définitifs : 58,5% pour Macron, 41,5% pour l'autre (si elle pouvait se faire oublier...)

    RépondreSupprimer
  41. Bonne année, je lis vos humeurs ici même et j'espère vous donner un peu de bliss avec quelques titre pas piqués des hannetons.

    Un Suicide Français: c'est un mini-album de 2020
    https://unsuicidefrancais.bandcamp.com/album/saison-4

    Facteurs chevaux: Chante-Nuit, très léger et gracieux, lui aussi de 2020
    https://facteurschevaux.bandcamp.com/album/chante-nuit

    Et le retour des Real Lies, avec un second album intitulé Lad Ash, sorti il y a peu.
    https://real-lies.bandcamp.com/album/lad-ash

    Parlez-vous un peu de vos coups de coeur.

    RépondreSupprimer
  42. Et la guerre en Ukraine, on en parle plus ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour rappel le texte de Piotr Akopov (illustrant le projet impérialiste de Poutine) publié accidentellement le 26 février, deux jours après l'attaque de la Russie, puis vite retiré, le blitzkrieg prévu ayant lamentablement échoué:

      L'avènement de la Russie et d'un monde nouveau

      Supprimer
  43. http://www.slate.fr/story/226611/eric-zemmour-echec-defaite-election-presidentielle-premier-tour-nudge-overton-reconquete-le-pen

    RépondreSupprimer
  44. Le rôle absolument néfaste de Zemmour aura surtout consisté à décomplexer une certaine bourgeoisie pour laquelle le vote Le Pen était jusqu'ici trop sale, trop plébéien. Grâce à Reconquête, Le Pen a gagné un nouvel électorat, réduit mais consistant et combatif.

    RépondreSupprimer
  45. Oui, et c'est pour moi le danger car l'opposition entre Reconquête! et le RN n'est que factuelle, elle repose sur l'hostilité du moment entre Zemmour et MLP... or la réconciliation se fera, à moyen terme, avec ou sans Marine... et le risque c'est d'avoir une extrême droite à laquelle se sera ralliée par idéologie et/ou calcul politique, en vue des présidentielles et législatives 2027, la droite nationaliste que mène aujourd'hui Ciotti.. On peut se retrouver avec une coalition au spectre assez large, qui irait par exemple de Wauquiez (LR) à Bardella (RN) en passant par Marion Maréchal (Reconquête), plus glamour que Zemmour (lol)

    RépondreSupprimer
  46. Jean-Luc Mélenchon27 avril 2022 à 07:37

    Pour ne pas se retaper cinq ans de macronisme ni risquer une cohabitation avec Le Pen, une seule solution : Ma Personne !

    RépondreSupprimer
  47. https://francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-on-nous-propose-pas-une-coalition-avec-lfi-on-nous-propose-une-reddition-denonce-jean-christophe-cambadelis_5105284.html

    RépondreSupprimer
  48. Dites Buster, c'est devenu un think tank votre blog

    RépondreSupprimer
  49. Dites Buster, l'extrême droite c'est une fixette chez vous.

    RépondreSupprimer
  50. L'extrême-droite c'est une fixette chez les Français : 40 ans qu'on se tape du Le Pen !

    RépondreSupprimer
  51. Qui succédera à Marine ? Marion, la nièce qui l'a trahie, ou Jordan, celui qui a pécho l'autre nièce ?

    RépondreSupprimer
  52. Hé hé... il faudrait donc que d'ici 2027 Marion Maréchal ait renoué avec sa tante et que de son côté Bardella n'ait pas trahi sa bien-aimée... mais est-ce bien sûr que Marine Le Pen ne se représentera pas à la prochaine présidentielle? Sachant qu'il n'y aura plus Macron, ni probablement Mélenchon (bien que lui se dise la même chose à propos de ses deux adversaires), que Zemmour n'aura rien appris de son échec (si ses idées auront bien infusé à la droite de la droite, lui personnellement risque d'être cantonné au même rôle jadis que Bruno Mégret dont il est en quelque sorte le continuateur)... oui eh bien, il est possible finalement que la question ne se pose pas.

    RépondreSupprimer
  53. Et merde, c'est reparti pour un épisode de la menace Marine...

    RépondreSupprimer
  54. Bah je ne fais que répondre aux commentaires, parler d'autre chose je demande pas mieux.

    RépondreSupprimer
  55. Non non, je parlais de 2027... Elle va nous emmerder encore longtemps comme ça ?

    RépondreSupprimer
  56. Ah d'accord, je n'avais pas compris.

    RépondreSupprimer
  57. Alors Buster, vous en pensez quoi du nouveau nom de l'Union, "populaire écologique et sociale" c'est chouette non ?

    RépondreSupprimer
  58. Et si vous reparliez des films ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'en en ai vu beaucoup ces derniers temps mais très peu m'ont enthousiasmé... là je viens de voir Hit the Road le film du fils Panahi encensé par la critique... bof c'est très poussif, rien de pire que des dialogues bavards pour évoquer des non-dits (et puis l'enfant est absolument insupportable, il me rappelle le fils de la conductrice dans Ten de Kiarostami, une vraie tête à claques, sauf que ça ne durait pas tout le film)... Contes du hasard, j'ai beaucoup aimé, c'est dans la veine de Drive My Car, une qualité d'écriture rare, mais le film est peut-être un peu trop cérébral... en fait le grand film du moment pour moi c'est Vortex, ça a été un choc et d'autant plus violent que Gaspar Noé jusqu'à présent ce n'était pas ma tasse de thé....

      Supprimer
    2. La grande Zoa2 mai 2022 à 20:14

      Vortex really ?

      Supprimer
    3. Oui Vortex, la première demi-heure est fabuleuse, comme souvent chez Noé (cf. le début de Climax), mais là cette fois ça tient jusqu'au bout malgré ou plutôt grâce au dispositif (dans le choix des plans qui composent le split screen), ça donne au film une puissance formelle incroyable... Pour saisir ce qu'est Vortex il faut imaginer un film d'Alain Cavalier (la particularité du dispositif, le thème de la vieillesse et de la mort) qui serait en permanence menacé de sombrer dans du Haneke (l'homme qui finirait par étrangler sa femme ou la femme par empoisonner son mari), mais sans jamais y céder, ça crée un côté fantastique, une forme d'étrangeté (Dreyer), mélange d'inquiétude et d'égarement... l'appartement joue un rôle essentiel (c'est celui de Jean-Claude Romer, l'homme de Midi-Minuit Fantastique, avec tous ces livres de cinéma et autres affiches soixante-huitardes... il est mort quelques mois après le tournage), Françoise Lebrun est extraordinaire, Dario Argento aussi... le film est certes très dérangeant, moi il m'a bouleversé

      Supprimer
    4. Vous êtes sur la même ligne que les Cahiers, Vortex est le premier film de Gaspar Noé qu'ils apprécient. Ce qui est bizarre c'est qu'ils précisent que le film est coproduit ou distribué par un de leurs repreneurs alors que ni Rectangle ni Wild Bunch n'en font partie.

      Supprimer
    5. Je n'en sais rien mais c'est sans importance, ça ne joue pas dans leur appréciation du film.

      Supprimer
    6. @Spirou
      La précision ne renvoie pas à Rectangle ni à Wild Bunch mais à Srab Films, la société de production de Toufik Ayadi et Christophe Barral.

      Supprimer
    7. Ah d'accord; merci l'anonyme !

      Supprimer
  59. ça y est le PCF a rejoint la coalition, on va bien se marrer à la nupes, vivement les réunions de l'intergroupe ! :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lol... dommage que ces réunions ne soient pas publiques... sinon il est marrant Roussel, il dit plein de conneries mais il fait sympa, c'est le contraire de Mélenchon.

      Supprimer
    2. Et maintenant le PS !

      Supprimer
    3. Le quoi? LFI a pêché un poisson mort ou quasi... qui s'est remis à bouger (un peu) la queue avec cette histoire de coalition mais bon, qui était déjà depuis longtemps en état de mort cérébrale. C'est Mélenchon qui doit jubiler, il n'aura probablement pas la majorité mais d'avoir vu les socialistes s'aplatir à ce point, quel pied!

      Supprimer
    4. Buster, vous vous moquez de l'alliance à gauche, ce qui est une réaction typique de droite, mais je ne vois pas comment la gauche en restant divisée peut espérer gagner les législatives.

      Supprimer
    5. Vous vous trompez, d'abord sur le fait que se moquer de l'union à gauche serait une réaction de droite, je me moque autant des alliances à gauche que de celles qui se font au centre ou qui pourraient se faire à droite, parce qu'elles ne s'inscrivent que dans un but purement électoral, c'est-à-dire comptable (gagner le plus de sièges possible) et qu'à ce titre on rédige des programmes d'accord qui relèvent du grand n'importe quoi, elles ne traduisent en aucun cas une réelle volonté de gouverner ensemble... à LFI il est admis (en interne, malgré les déclarations fanfaronesques) que, même unie, la gauche ne peut gagner ces élections.

      Supprimer
    6. Les éléphants se trompent énormément.

      Supprimer
  60. Vous avez écouté le "Freddie Mercury" de Florent Marchet? C'est assez joli, juste ce qu'il faut pour tirer quelques larmes. Ce qui nosu change des Tahiti 80, Destroyer et Get Well Soon, parfaitement incapables de déclencher la moindre émotion (à part l'ennui).
    Quelles chansons vous écoutez en ce moment?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui j'adore, le texte est très beau:

      Freddie Mercury

      Supprimer
    2. J'attends l'album Garden Party de Florent Marchet avec impatience.
      Le dernier Arcade Fire ne démarre qu'avec The Lightning II.

      Supprimer
    3. Pas encore écouté le dernier Arcade Fire, juste survolé. Certaines plages me rappellent The Suburbs, ce qui est de bonne augure... bon il ressort aussi pas mal de boursouflure, mais moins qu'avec Everything Now, le précédent album, qui lui était une horreur.

      Supprimer
    4. Florent Marchet, c'est celui de "Los Alamos" ? :DD

      Supprimer
    5. En tout cas, le WE de Arcade Fire est largement moins engageant que les albums de Belle and Sebastian d'une part, et Peter Doherty et Frédéric Lo d'autre part. Une seule écoute de chacun pour l'instant, mais je ne vais pas en rester là. Les deux nous font profiter de belles orchestrations. Le Doherty-Lo se paie le luxe de mélodies évidentes.

      Supprimer
  61. Nupes Nupes Nupes Hourra !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous célébrez quoi Youpi? L'union des gauches ou la victoire de l'URSS sur l'Allemagne nazie? Parce que Hourra, hein, est un mot d'origine russe..

      Supprimer
    2. Ah ah... non je célèbre seulement l'union des gauches.

      Supprimer
    3. Et vous Buster, qu'est-ce que vous sous-entendez ? Qu'à la Nupes il y a des poutinophiles ?

      Supprimer
    4. Il doit bien y en avoir, la Nupes c'est un peu l'auberge espagnole, mais bon, les Ukrainiens aussi crient "hourra"

      Supprimer
    5. A Nupes ils commencent à se bouffer le pif

      Supprimer
  62. Ôhoo Toulouse... balayée par Leinster, snif snif

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui mais bon... Le Leinster c'est quasiment toute l'équipe d'Irlande alors que Toulouse c'est seulement la moitié de l'équipe de France :D

      Supprimer
  63. Michel Niqueux15 mai 2022 à 12:02

    À cheval sur l’Europe et l’Asie, qui l’envahirent à plusieurs reprises, sans héritage gréco-romain ou catholique, occidentalisée de force (dans ses couches supérieures) par Pierre le Grand qui, au début du XVIIIe siècle, « perça » une « fenêtre sur l’Europe », la Russie a fait de son rapport à l’Occident non seulement une question géopolitique, mais aussi existentielle et philosophique : il en va de son identité nationale, de son organisation sociale et politique, de son « âme » ou de sa « civilisation », et du lien de celle-ci avec les « valeurs universelles » des Lumières. Dès le début du XIXe siècle, écrivains et penseurs russes débattent, et se divisent, sur les voies du développement de la Russie : faut-il protéger la Russie du poison européen de l’athéisme et de la dépravation (M. Magnitski, 1820), sauver l’Europe de la décadence (A. Kraïevski, 1837), ou devenir des Russes d’esprit européen (V. Biélinski, 1841), et suivre le même chemin que l’Europe occidentale, en nous gardant de ses erreurs (N. Dobrolioubov, 1859), pour ensuite la rattraper et la dépasser comme le voulaient les bolcheviks ? La « révolution conservatrice » actuelle, qui se développe en réaction à la perestroïka, avec son anti-occidentalisme, la dénonciation de la décadence de l’Occident « pourri », le rejet du modèle libéral-démocratique pour une voie russe originale, ou eurasienne (A. Douguine, 2011), ne peut être comprise sans remonter aux débats de la première moitié du XIXe siècle, qui restent d’une étonnante actualité.

    RépondreSupprimer
  64. Nupes, il faut prononcer Nup, Nup's ou Nupess ?

    RépondreSupprimer
  65. L'insoumis est du genre intransigeant mais pour s'opposer efficacement à Macron et pas laisser ce rôle à Le Pen il faut savoir l'être, non ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui peut-être mais je ne supporte pas, de toute façon je ne supporte plus rien, LaREM m'emmerde, le RN me dégoûte et LFI me sort par les yeux...

      Supprimer
    2. Plus que LFI c'est Mélenchon qui horripile

      Supprimer
  66. C'était un "bravo" pour votre notice sur les Cahiers. Totalement d'accord avec vous au sujet de votre souhait de voir la revue approfondir certains sujets.

    RépondreSupprimer
  67. Vous raillez le PS et EELV qui se rallient à LFI mais ceux qui se rallient à la macronie vous ne les raillez pas ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Rallier railler... hé hé Mais non je raille tous ceux qui rallient un parti par opportunisme (et non par conviction). C'est pourquoi j'aime bien Carole Delga qui fustige autant les socialistes qui rallient la Nupes que ceux qui rallient LaREM...

      Supprimer
    2. Si vous écartez la Nupes, LREM et le RN, vous votez pour qui au 1er tour ? Un dissident ?

      Supprimer
    3. Tiens, vous avez supprimé votre commentaire sur le physique "rabougri" de Zemmour et l'expression de Macron "le grand rabougrissement". Dommage, c'était rigolo.

      Supprimer
  68. Bon, et Cannes ça ne vous intéresse pas ?

    RépondreSupprimer
  69. Merci Buster pour le texte sur les Cahiers. Pas encore vu le dernier Desplechin.

    RépondreSupprimer
  70. Vous avez aimé le Desplechin ? Vous adorerez le Bozon.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah bon? Et si je n'ai pas aimé le Desplechin?

      Supprimer
    2. Alors vous détesterez le Bozon, et serez un homme de goût.

      Supprimer
  71. Votre critique très négative du Desplechin c'est aussi une réponse aux Cahiers qui ont beaucoup aimé le film ? :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas du tout. Je ne critique pas le film parce que les Cahiers le défendent... ils ne sont d'ailleurs pas les seuls, tout le monde semble l'aimer ce film (ce qui me fait penser à Annette l'an dernier, avec déjà Cotillard dont le rôle ici prolonge en quelque sorte celui qu'elle tenait dans le Carax). Et puis mon texte sur les Cahiers, lui, n'était pas une attaque, j'exprimais juste un point de vue, sans volonté de polémique.

      Supprimer
    2. Normal que les Cahiers aiment Desplechin, ses films sont produits par Caucheteux un des actionnaires de la revue

      Supprimer
    3. Les Cahiers n'ont pas aimé RMN de Mungiu et Les nuits de Masshad d'Abbasi, les deux autres films co-produits par Why not en compétition à Cannes, mais curieusement ils ne sont pas notés dans le tableau des étoiles du Film français

      Supprimer
  72. Forcément, si on n'aime pas l'ampleur narrative, on n'aime pas Desplechin...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le récit chez Desplechin procède plus de la greffe que de l'expansion, ça ne donne pas vraiment d'ampleur à la narration, contrairement à ce qu'on peut trouver par exemple chez Raul Ruiz.

      Supprimer
    2. Très bon texte Buster ! Avez-vous lu celui de Luc Chessel dans Libération ? Lui non plus n'a pas aimé le film.

      Supprimer
    3. Je ne suis pas abonné à Libé... c'est dommage, Chessel est un des meilleurs critiques actuels.

      Supprimer
  73. Alors le Bozon ?
    (L'un des pires films de Cannes selon l'avis général...)

    RépondreSupprimer
  74. On écoute quoi en ce moment?

    Vous connaissez Pierre Gisèle? https://www.youtube.com/watch?v=iWpedsHN18I

    RépondreSupprimer
  75. Ou plutôt Forever Pavot: https://foreverpavot.bandcamp.com/album/babysitter-ost
    très cinématographique, pour le coup, mais bien

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le Forever Pavot je l'ai écouté il y a un mois et j'avais bien aimé le côté de Roubaix de certains morceaux (Du suspense, Deux minutes, les deux Générique...), mais il faudrait que je m'y replonge...

      Supprimer