lundi 2 janvier 2023

2023


✓ L'ultimo di Ozu
✓ Los Alamos

 Voilà, ça c'est fait, on peut passer à autre chose.

Sinon la fin du texte "Dédoublements", sur VortexSuis-moi/Fuis-moi... et Days, débuté :

Dédoublements III.

Days de Tsai Ming-liang (2020).

Et donc, pour finir, Days, un des plus beaux films de Tsai Ming-liang, peut-être son plus beau, qui renoue avec la douce musicalité de ses premiers films, ceux des années 90, où se combinaient à merveille le regard documentaire du cinéaste sur les corps (et les visages) de ses interprètes, notamment son acteur fétiche, Lee Kang-sheng, appelé à vieillir inexorablement, et le rendu "impressionniste" du temps qui fuit (comme l'eau qui s'écoule), saisi au milieu des bruissements de la ville... Une esthétique qui s'était quelque peu appauvrie lors de la décennie suivante, jusqu'à ce vide terrifiant qu'avait représenté (pour moi) le dernier quart d'heure de Stray Dogs, ce minimalisme poussé à l'extrême où plus rien ne semblait vibrer. Au point de se demander si la voie choisie par Tsai par la suite, dans les années 2010, celle des installations et de toutes ces performances imposées à Lee Kang-sheng, n'avait pas pour but d'aller encore plus loin, de sortir de l'impasse via plus de radicalité encore (l'art contemporain) et, au bout du bout, d'entrevoir l'issue qui lui permette de retrouver, par-delà l'épure, la sensibilité des débuts? Je ne saurais l'affirmer n'ayant pas suivi le travail du cinéaste durant cette période, mais il n'est pas impossible que la série des Walker films, qui voyait Lee en moine bouddhiste (crâne rasé, kesa orangé), arpenter le monde à la vitesse d'un escargot — la fameuse "méditation marchée" — ait été pour Tsai Ming-liang une sorte de passage obligé pour élever son art et atteindre cette densité qui se dégage aujourd'hui de Days. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est qu'il a fallu une fois encore passer par le corps de Lee et l'étrange affection qui, depuis The River, lui tord régulièrement le cou. (Pour ma part, j'ai toujours fait le lien entre le torticolis de Lee et le climat pluvieux des films de Tsai.) Ainsi cette incroyable séquence qu'est la séance d'acupuncture, avec son dispositif évoquant, par son côté "torture", davantage un rite de passage qu'une séance de bien-être... laquelle séance viendra quand même mais plus tard, car l'intensité du film, c'est durant la deuxième heure qu'elle devient maximale, surpassant l'austérité d'une première partie certes prenante mais dont on devine qu'elle est surtout là pour préparer la seconde, qu'autre chose doit se passer, qui confère au film ce plus d'intensité qui va le rendre plus poignant. Si le corps (douloureux) de Lee reste le cœur du film, il faut, pour gagner en intensité, que celui-ci aille à la rencontre de l'autre, une fois que le personnage, et le spectateur avec lui, ont fait, comme d'habitude pourrait-on dire chez Tsai, l'épreuve de cette solitude fondamentale qui imprègne ses films et dont témoigne ici le premier (très beau) plan-séquence. Il ne s'agit pas de surmonter la solitude, puisqu'elle est là, définitive, la longueur et la fixité des plans nous le rappelant sans cesse, mais de la partager, temporairement car rien n'est durablement partageable chez Tsai, pas plus le temps que l'amour. D'où la rencontre avec une autre solitude, incarnée par un second personnage, parfaitement anonyme (relativement à la célébrité de Lee Kang-sheng), dont on suit également, dans un premier temps, le quotidien, à travers ce qui apparaît comme un dédoublement de la "performance" que constituent les soins prodigués à Lee, et qui consiste à détailler le repas que cet autre se cuisine avant de le consommer, seul devant son poste de télévision. Aller au-delà du dispositif, le sublimer d'une certaine façon, c'est ainsi favoriser la rencontre entre Kang/Lee et son autre, Non/Anong, rencontre d'autant plus intense et dense qu'elle est à l'image du cinéma de Tsai, quasiment sans dialogues, et surtout passagère, baume éphémère qui, le temps d'un massage puis d'une étreinte, conjugue apaisement et plaisir, mais dont il ne restera rien sinon une trace: pour Kang, le vécu de cet instant et du réconfort qu'il apporta, momentanément; pour Non, une petite boîte à musique, offerte par Kang, qui lorsqu'on l'actionne joue l'air des Temps modernes. Car le temps de Days, finalement, c'était ça: le temps de la modernité, qui fait du cinéma de Tsai Ming-liang une esthétique du fugace — la mélancolie du moderne contre les stigmates du temps —, ici des plus bouleversante.

Voilà, ça aussi c'est fait, ne reste plus que le texte sur Apollo 10½ de Richard Linklater pour en finir définitivement avec 2022...

1 commentaire:

  1. Bon sang Buster, mais c'est quoi tous ces textes de ouf ?

    RépondreSupprimer