samedi 15 octobre 2022

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Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain est le quatrième et dernier album de Sparklehorse. Quand il est sorti, en 2006, j'avais été, comment dire, non pas déçu mais désorienté. C’est qu’après le sublime It’s a Wonderful Life, tout nouvel album ne pouvait apparaître qu’en retrait. Comme il y a de grands films malades, Dreamt for Light Years... est un grand album malade. Visiblement Linkous a souffert pour mener à bien son projet. On sent chez lui l'envie de sortir de son registre neurasthénique, mais, en même temps, s'y perçoit, à mesure que l'album avance, cette pente qui perpétuellement le replonge dans les affres de la mélancolie... Les premiers morceaux, plus épurés que d’habitude (je pense à "Shade and Honey", déjà entendu sur un maxi single, puis utilisé — via Alessandro Nivola — dans la BO du film de Lisa Chodolenko, Laurel Canyon), sont ainsi teintés de pop, une pop assez inattendue puisque c’est carrément la musique des Beatles qui se trouve convoquée (de "Don’t Take My Sunshine Away" à "Some Sweet Day", très harrisonien, en passant par "See the Light" qui semble suivre, du moins au départ, la ligne de "Dear Prudence")... Pour autant, pas d’envolée, tout ça reste confiné et quand survient "Morning Hollow", qui n’est autre que le morceau caché de It’s a Wonderful Life, celui qu’on entendait, sans qu’il soit mentionné, à la toute fin de l’album, on comprend que le léger enjouement du début n’était qu’illusion. Le dernier morceau de Dreamt for Light Years..., très minimaliste, est peut-être ce que Linkous a composé de plus terrifiant. Quasi comateux, comme si on se trouvait dans une salle de réa, bercé par le son lancinant des appareils de monitoring, dans l'attente d'une fin qui ne viendrait pas... L'écouter aujourd'hui confère à l'album des accents encore plus déchirants.

Rappel:
L'article de Bruno Masi sur Dreamt for Light Years... + le best of Sparklehorse: .

[16-10-22]

Godard: Six fois deux ou trois choses...

Le nom Cognacq-Jay fait écho à la Samaritaine (fondée par M. Cognacq et Mme Jaÿ) et à la télévision (les fameux studios, ceux surtout de l'ORTF, entre 1964 et 1975, puis de TF1 entre 1975 et 1992). Echo qu'on pourrait résumer par un slogan: Cognacq-Jay = Samaritaine + Télévision, ce qui n'aurait pas été pour déplaire à Jean-Luc Godard, d'autant que celui-ci est né justement rue Cognacq-Jay, au n°2 pour être précis, soit à quelques encablures (si je puis dire) des numéros 13-15, adresse des futurs studios de la télévision française. Une façon de lier, relier, consommation et communication, avec les contrechamps habituels, d'un côté: les faux-semblants (les exigences modernes du bien-être) de cette société de consommation que symbolise le grand magasin parisien, à travers par exemple les grands ensembles qui, dans les années 60, en banlieue, se développaient à la vitesse grand V (le nouvel espace urbain); de l'autre: la fausse "proximité" (sociologiquement parlant) des moyens de communication que représente la télévision, à l'instar de ces nouvelles chaînes du service public, nées au milieu des années 70 (l'après-ORTF). Faire ainsi le lien – avec toute la gymnastique que ce genre d'opération implique – entre Deux ou trois choses... (1966) et Six fois deux (1976), c'est-à-dire "six fois deux ou trois choses", sur et sous le quotidien des gens, de ces gens dont on ne parle pas ou si peu, qui eux-mêmes ne parlent pas ou si peu, qui vivent dans des barres (aux 4000) ou ailleurs... et que seule la forme documentaire, qu'elle soit fictive ou non, permet de faire exister, mieux: d'approcher, comme c'est le cas avec la série télévisée, qui voit Godard – et Anne-Marie Miéville, apport décisif – ajouter, dix ans après, à l'aspect purement critique que revêtait Deux ou trois choses... une dimension pédagogique, mieux: une proposition, quant à ce que devrait être la télévision.

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