jeudi 4 juin 2020

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Le Goût du saké de Yasujiro Ozu (1962).

[...] Ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas, ce que l'on dit et ce qu'il est superflu de dire, obéit non pas à des exigences de scénario: le scénario, dans le Goût du saké, n'exige rien (les rapports n'évoluent qu'avec lenteur, et la vie, à la manière de cette musiquette qui berce le film, continue en douceur), mais aux impératifs, disons, rythmiques d'une certaine harmonie que Ozu établit savamment entre le temps et l'espace, entre les impatiences individuelles et la patience imposée par tout ce que nous, spectateurs d'ici, ne connaissons pas et que l'on pourrait appeler l'ordre social et culturel japonais.
Cette harmonie agit sur nous avec un rien de perversité (qu'on retrouve - ce rien - exprimé aussi insidieusement mais par d'autres procédés chez Hawks et Rohmer...); ainsi ce découpage construit sur des franchissements d'axe insolents, sur des alternances de champs-contrechamps où les acteurs tour à tour regardent dans la même direction comme pour nous dérouter avant qu'un plan général, les contenant tous deux, ne vienne restituer l'espace habituel, ce découpage nous dérobe la perspective couramment suggérée ou recomposée dans le cinéma classique (telle qu'elle fut portée à son apogée par Allan Dwan).... (Jean-Claude Biette, Cahiers du cinéma n°296, janvier 1979)

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