Lancelot du Lac de Robert Bresson (1974).
Dieu que c'est beau (d’une beauté fracassante, ça va sans dire)! Jamais Bresson ne s’est approché aussi près de ce qu’il a toujours recherché (son Graal à lui), le cinéma le plus épuré qui soit, réduit à des signes, des sons, une sorte d’absolu du cinéma, c’en est presque terrifiant. Film obsessionnel, d’une maniaquerie totale, mais aussi d’une simplicité confondante. On peut voir Lancelot du Lac comme le passage du symbole — exemplairement présent dans le monde médiéval, à l'image du blason — au signe: "Celui dont on entend les pas avant de le voir, il mourra dans l’année... même si c’est les pas de son cheval." Le fait est: le son anticipe/précipite l'image dans Lancelot du Lac, film monté à l'oreille, rythmé par les mêmes bruits (chevaux, armures, loquets, joutes...), s'imbriquant dans tout un système d'échos et de résonances, en accord avec les cadrages en plans rapprochés, typiquement bressoniens — ici, entre autres, les jambes des chevaliers et de leur monture —, fragmentant la réalité (cf. le tournoi) pour mieux faire surgir le réel. Et quel réel! Un monde en train de disparaître, ce que semble pressentir le cheval (œil effaré, hennissement) bien plus que son maître. La fin est là, dès l'ouverture, une des plus sidérantes jamais vues, évoquant davantage les ravages d’une guerre sainte — un chevalier en armure qu'on décapite, du sang qui jaillit, des corps qui brûlent... — que les errements d'une quête mystique. Violence d'un monde que Bresson exprime dans toute sa matérialité, au fin fond d'une forêt ou dans les lices d'un château... Quelques hommes survivent encore mais plus pour longtemps. La suite est comme un baroud d'honneur — le tournoi remporté par Lancelot, la fuite de Lancelot et Guenièvre — avant le finale, qui vient donc sceller la fin d'un idéal, à travers la mort de Lancelot, le premier chevalier qui se révèle être aussi le dernier, s’écroulant au milieu des siens — un tas de ferraille — en prononçant le nom de sa bien-aimée...
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