mercredi 18 octobre 2023

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Antoine Dupont, "capitaine courageux" du XV de France.

Des mauls, des maux et des mots.

Donc... avec les Boks, les Coqs sont tombés sur un os. Tout le problème est là — un os, un gros nonosse — pour des Coqs par nature "sans dents", comme dit non pas Hollande mais le Boer de service, le bon Boer hollandais, là-bas en Afrique du Sud. Parce que, quand on est sans dents, devant un os, autrement dit un Bok, il est très difficile de le briser, l'os, le Bok, l'os bok, de se surpasser, en un mot d'être trans-cendant. Or justement: fallait-il l'être — transcendant — pour vaincre les Boks? Non pas que les Coqs ne l'ont pas été assez mais qu'ils ont peut-être trop cherché à l'être, à produire ainsi du jeu, beaucoup de jeu, au risque de manquer de souffle dans le dernier quart d'heure, là où d'ordinaire ils font souvent la différence; au risque surtout d'ouvrir des brèches, si on tombe dans l'à-peu-près, permettant à l'adversaire de s'y engouffrer, et de manière parfois terriblement efficace, même si les Boks ne sont pas les Blacks.
C'est à ce niveau que le match s'est joué. Après une première mi-temps euphorique et prolifique (six essais, trois de chaque côté) qui a vu la France prendre les devants in extremis avant la pause, il était logique que la seconde soit plus tactique, que le match devienne plus cadenassé, le score évoluant davantage via des coups de pied de pénalité que par des essais — et à ce titre, le quatrième essai bok, inscrit en seconde mi-temps, fut l'essai de trop. D'autant que les joueurs français, maîtres du ballon, avaient les cartes en mains (en plus du ballon) pour pousser les Sud-Afs à la faute, et ainsi faire gonfler le score sans prendre trop de risques. Sauf que l'arbitre néo-Z — Ben O'Keeffe on kiffe pas trop, surtout quand on connaît les initiales: BOK — n'a, semble-t-il, pas été très regardant sur les fautes du pack bok (je passe sur l'épisode croquignolesque de la charge de Kolbe sur la transformation de Ramos)... Mais justement, c'est parce qu'il n'a pas sifflé suffisamment contre les Boks — pas aidé non plus par ses assistants, qu'ils soient sur les côtés ou en cabine —, quand ceux-ci, les Boks pas les assistants, étaient par exemple sur le reculoir, qu'il aurait fallu aller plus loin, c-à-d les provoquer directement ces fautes (ainsi le hors-jeu), pour qu'elles deviennent flagrantes aux yeux de l'arbitre. L'échec des Bleus c'est ça finalement: d'avoir manqué de roublardise. Mais bon, peut-on vraiment leur en vouloir?

On rappelle volontiers les précédents qui ont vu l'équipe de France s'incliner d'un point en Coupe du monde, comme il y a quatre ans, déjà en quart de finale, face au Pays de Galles après avoir joué à 14 quasiment toute la seconde mi-temps et cédé à la fin sur un essai contestable, ce qui était le remake inversé de la demi-finale de 2011 où les Bleus avait cette fois vaincu les Gallois, là aussi par le plus petit des écarts (des Gallois pourtant supérieurs mais réduits à 14 dès la première mi-temps), avant d'être battus en finale, toujours d'un seul point, par les All Blacks qui évoluaient chez eux, avaient largement dominé mais sans que cela se concrétise au tableau d'affichage, ratant un maximum de pénalités, de sorte qu'à la fin, face à des Blacks devenus fébriles, la France aurait pu passer devant, si l'arbitre... (on connaît la chanson).
Reste que si on doit faire des comparaisons, qui ne soient pas franco-françaises, c'est plutôt avec l'Irlande, au destin tout aussi cruel, qu'il faudrait aujourd'hui comparer la France. L'Irlande et la France, n°1 et n°2 dans la hiérarchie mondiale, éliminées par respectivement les n°4 et n°3 (Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud), autant dire que ces deux quarts, entre trèfle et fougère d'un côté, coqs et boks de l'autre, avaient valeur de demi-finales, et que, dans les deux cas, outre d'avoir vu la revanche de l'Hémisphère Sud (après les victoires en poules des Bleus sur les Blacks et de la Verte Erin — oui je poétise — sur les Boks), le fait que cela s'est joué sur pas grand-chose, des détails, prouve que les quatre équipes étaient vraiment très proches (avec une pensée pour l'Ecosse, n°5 au classement, tombée dans le même groupe que l'Irlande et l'Afrique du Sud, conséquence d'un tirage au sort effectué non pas en début d'année mais il y a trois ans, sur la base du classement mondial établi, lui, après la Coupe du monde 2019)... enfin bref que tout ça, avec un poil de chance, aurait pu basculer dans l'autre sens. Regrets éternels.

PS. Pour me consoler de la défaite des Bleus face aux Boks, je me propose d'aller voir des Rothko.

Mark Rothko, "No 15 (Two Greens and a Red Stripe)", 1964.

[ajout du 28-10-23]

Les Boks, un point c'est tout.

Se souviendra-t-on encore — dans dix ou quinze ans — que cette année-là, en 2023, l'Afrique du Sud est devenue championne du monde en gagnant tous ses matches à élimination directe (quart, demie et donc finale) avec la plus petite des marges, juste un point (29-28 contre la France — ça par contre en France on ne l'oubliera pas —, 16-15 contre l'Angleterre, 12-11 contre la Nouvelle-Zélande), signe bien sûr du destin à chaque fois favorable qui l'a accompagné, à commencer par le fait d'avoir joué la plus grande partie de la finale en supériorité numérique (1), et en plus sous la pluie (ce qui favorise l'équipe la plus défensive), mais surtout de l'incroyable puissance collective qui animait ces Boks, le "petit plus" qu'aura symbolisé ce point supplémentaire, genre supplément d'âme, de celui qui fait gagner une équipe (pas forcément la plus brillante), contre vents et marées, que celles-ci soient bleues ou noires. Respect.

(1) Et au contraire de son match de poule contre l'Irlande qu'elle n'aurait pas perdu si elle avait aligné un vrai buteur, justifiant par la suite le rappel — pour le coup décisif — de Polland.

2 commentaires:

  1. World Rugby reconnaît cinq erreurs majeures d'arbitrage dans le match France - Afrique du Sud, trois en défaveur des Bleus, deux en leur faveur.
    https://www.rugbyrama.fr/2023/10/20/info-midol-xv-de-france-world-rugby-reconnait-cinq-erreurs-majeures-darbitrage-dans-le-quart-de-finale-entre-les-bleus-et-lafrique-du-sud-11532320.php

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    1. Lol... 3/2 ça peut sembler équilibré mais si on regarde de près, les 3 fautes des Boks si elles avaient été sifflées auraient conduit à un carton rouge, une transformation à retaper et une pénalité... de l'autre côté peut-être un carton jaune contre Penaud, l'autre faute est vraiment discutable. Mais les erreurs d'arbitrage c'est ce à quoi on se rattache quand on perd un match... d'autres faits de jeu (comme les essais-cadeaux offerts aux Boks) expliquent que les Bleus n'aient pas réussi à desserrer l'étau (au score) dans lequel les maintenaient les Boks, perdant progressivement de leur sérénité

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