mercredi 15 décembre 2021

The Cure 1979-1982


Seventeen Seconds, The Cure, 1980.

Je fais en ce moment une petite cure de Cure, l'occasion de ressortir quelques vieux vinyles, en fait les trois premiers du groupe, mes préférés: Three Imaginary Boys (1979), l'album "domestique" avec l'abat-jour, le réfrigérateur et l'aspirateur sur la pochette — en vérité c'est Boys Don't Cry que je possède, la version à la pochette "arabique" sortie en France en 1981, qui inclut, outre la chanson-titre, "Killing an Arab" le premier single des Cure —, Seventeen Seconds (1980), leur chef-d'œuvre, et Faith (1981), trois albums achetés à l'époque respectivement 48, 41 et 39 Fr (l'étiquette du prix est encore collée sur la pochette). Il y a aussi le suivant, Pornography (1982), qui avec les deux précédents forme, paraît-il, une trilogie, mais je ne l'ai pas retrouvé (encore un que j'ai dû prêter et qu'on ne m'a jamais rendu).

Quelques mots de François Gorin:

C'était le premier concert de The Cure (tout le monde disait Cure, à l'époque). Le 17 décembre 1979. Three Imaginary Boys était sorti quelques mois plus tôt, suivi par le single "Boys Don't Cry". Avec assez d'effet pour constituer un premier noyau de fans. Trois ou quatre dizaines étaient en avance et j'en faisais partie. De manière tout à fait inhabituelle, on nous a laissé entrer. Surprise, le groupe était sur scène. Ils n'avaient pas fini la balance. Robert Smith avait un pull à col en V rouge, sa coiffure hérisson, sa fender Jazzmaster ivoire, sur laquelle il égrenait des arpèges cristallins. Lol Tolhurst martelait ses toms. Ce n'était plus Michael Dempsey à la basse mais Simon Gallup. Plus un type aux claviers que Smith nous présenterait plus tard comme étant Matthieu Hartley, un autre transfuge des Magspies. Le petit concert privé n'a pas duré longtemps, mais on a goûté ce privilège étrange, un avant-goût du set à venir, limpide et sec, plein de frictions sonores et promettant déjà l'album suivant, le meilleur du groupe, Seventeen Seconds. (...) Particulièrement attendus, les deux singles récents se sont succédés. Boys Don't Cry d'abord, provoquant des pogos mélancoliques dans les premiers rangs. Puis Jumping Someone Else's Train. Celle-là, je l'aimais presque autant que l'autre. The Cure devenait un groupe dont on guettait le moindre geste. Pochette bleu dur avec toutes ces bouches qui flottent et des zébrures. Pop art bricolo. En face B, "I'm Cold", le genre de signe qui les fit assimiler à la vague froide. Chacun de nous au Bataclan savait qu'il s'agissait d'autre chose. De nerf, de frustration. Du sentiment parfois d'avoir pris un train qui n'était pas le sien. Par exemple, on va à un concert et on se dit, tiens, si je m'étais trompé de salle (ça m'est arrivé), si le métro était tombé en rade, si j'avais croisé sur le chemin un ami perdu de vue depuis trois ans, si… 

De quoi le mauve est-il la couleur? Attention, pas n'importe quel mauve. Réalisant que l'édition française de Seventeen Seconds avait tiré les teintes délicates de son carton (brillant) vers le rose, j'étais allé chercher (au Virgin d'Oxford Circus ou chez New Rose) celui, mat, de l'original anglais, qui dégradait plutôt son camaïeu vers le gris pâle [cf. la photo, c'est celle de mon album, gris mauve lui-aussi]. Les nuances, même futiles, comptent avec un groupe qu'on aime. Et je n'ai jamais tant aimé (The) Cure qu'en écoutant cet album. (...) Seventeen Seconds semblait tissé d'un coton qui, amortissant les douleurs et pansant les plaies, n'en reproduisait pas moins leur dessin précis. On entrait là tête baissée, les épaules un peu voûtées, on s'y lovait avec le souvenir des journées médicamenteuses où le lit remplaçait l'école, pour en sortir dans un état curieux, l'engourdissement des nerfs le disputant à leur excitation. De là sans doute l'envie d'y revenir indéfiniment, pour en avoir le cœur net — sinon les idées claires. It's not a case of doing what's right… it's just the way I feel that matters… fait la voix étranglée au début de "Play for Today". On joue le petit théâtre cruel des sentiments plus ou moins partagés. It's just your part… in the play… for today… Robert Smith m'a toujours paru se pousser un peu à chanter, comme d'autres il est arrivé quand la notion de chanteur était par terre. Ensuite il a cultivé cette manière souffrante et quand les mots lui pèsent vient la guitare, son écho… ce feuilletage encore mince, ici ou là translucide, fait le son Cure. Il y a déjà l'appoint de Matthieu Hartley au synthé mais ce n'est pas les grandes orgues de Faith et son esquisse de cathédrale gothique. "M" est pour Mary, cruelle aussi, you fall in love with somebody else again, tonight… Les ondées de guitare délavaient tout ça, on allait mieux sous cette pluie mauve…

Top songs 1979-1982:

— 10:15 Saturday NightBoys Don't Cry
— A Forest, Seventeen Seconds
— A Reflection, Seventeen Seconds
— A Short Term Effect, Pornography
— Boys Don't Cry, Boys Don't Cry
— Cold, Pornography
— Faith, Faith
— The Figurehead, Pornography
— The Funeral Party, Faith
— The Holy Hour, Faith
— In Your House, Seventeen Seconds
— Jumping Someone Else's Train, Boys Don't Cry
— Killing an ArabBoys Don't Cry
— M, Seventeen Seconds
— One Hundred Years, Pornography
— Other Voices, Faith
— Play for Today, Seventeen Seconds
— Pornography, Pornography
— Primary, Faith
— Secrets, Seventeen Seconds
— Seventeen Seconds, Seventeen Seconds
— Subway Song, Boys Don't Cry
— Three, Seventeen Seconds

Bonus: Peel Session 1978 - 1980 - 1981

3 commentaires:

  1. Et West Side Story vous n'en avez cure ?

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  2. Non la trilogie c'est entre Pornography, Disintegration et un autre plus tardif après 2000. Leurs albums sombres.

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    1. En fait il y a deux trilogies des Cure, celle dont vous parlez fait écho à un concert en 2003 où le groupe avait joué Pornography, Disentegration et Bloodflowers, l'album qui en est issu s'intitulant Trilogy, choix rétrospectif et un peu arbitraire imposé par Robert Smith... Et puis la trilogie dont je parle, la plus connue, la trilogie "cold" avec les trois albums qui se suivent 17 seconds, Faith et Pornography.

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