samedi 20 mars 2021

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Grenouilles d'Adolfo Arrieta (1983).

Il y a dans Grenouilles une scène magnifique entre Elisabeth Bourgine et Pascal Greggory. Ça se passe dans une piscine. Pascal Greggory est allongé, tel une anguille, sur le rebord. De temps à autre il passe sa main dans l'eau. Elisabeth Bourgine l'invite à le rejoindre, à venir nager avec elle pour qu'elle retombe amoureuse une nouvelle fois de lui et lui ne sait pas très bien, il hésite et reste là dans l'attente, l'indécision de son désir. Chacun est cadré en champ-contrechamp. Dans cette scène sans trucages, sans effets spéciaux et d'un grand calme, d'un grand repos, peut-être à cause de la lumière au fond de la piscine, des ombres qu'elle dessine aux coins du sourire avenant d'Elisabeth Bourgine qui suggère que ce n'est peut-être pas si évident, que ce sourire, cette invitation masquent un dessein beaucoup plus sombre, horrifique, à cause aussi de l'angle de plongée de la caméra sur la piscine, cette indétermination diffuse tout d'un coup la certitude d'une extrême et imparable menace. C'est sans doute là qu'est le plus sensible la veine tourneurienne dont Arrieta s'inspire et dont relève encore l'espèce de somnambulisme généralisé du film. 
Les acteurs d'Arrieta sont en général fortement singularisés, chacun, peut-on dire, est unique, mais il existe entre eux pourtant un point commun, qui donne à Grenouilles son charme étrange et qui a à voir avec l'imaginaire tératologique de la peinture espagnole: tous ont des visages d'adultes sur des corps d'enfants. (Yann Lardeau, Cahiers du cinéma n°355, janvier 1984)

2 commentaires:

  1. On attendait un texte gros comme un bœuf sur les Cahiers, on se retrouve avec un article sur Grenouilles petit comme une grenouille...

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    1. Lol... mais le gros texte arrive (du moins une grosse partie). Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage... (pour rester avec La Fontaine)

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