Roberte de Pierre Zucca (1979).
Roberte occupe une place à la fois centrale et à part dans la filmographie de Pierre Zucca. Centrale, parce que le film synthétise idéalement la part klossowskienne de son œuvre, part autant esthétique, où se mêle à l’élégance du trait l’ambiguïté du geste, qu’éthique, à travers entre autres la question, chère à Klossowski, du simulacre. A part, parce qu’en adaptant directement le texte de Klossowski, le cinéaste y relègue au second plan, sans l’effacer pour autant, la dimension ludique et légère qui fait le charme de ses autres films, de Vincent mit l’âne dans un pré (et s'en vint dans l'autre) à Alouette, je te plumerai, en passant par Rouge-gorge, bien sûr, mais aussi les courts-métrages et les fictions pour la télévision. Des films à la fois diffractés et réflexifs, dispersés et introspectifs, puisque touchant aussi bien à la question de l’image qu’à celle du père, entremêlant si étroitement réel et fiction, vérités et mensonges, que vouloir les séparer semble pour les personnages aussi utopique que périlleux. Est-ce pour cela que la fuite leur apparaît souvent comme la meilleure des réponses? "Partez pendant que c’est encore possible", dit (à l’envers!) la mystérieuse Agathe dans le Secret de Monsieur L. Car la fuite chez Zucca ne se réduit pas à ses représentations métaphoriques (l’appel du large, l’envol des oiseaux, comme symboles d’évasion et contrepoints poétiques aux illusions optiques et autres leurres du récit), elle est aussi la manifestation d’une peur bien réelle qui est celle de Fabrice Luchini à la fin de Vincent..., moins d’ailleurs parce que le personnage y découvre que tout est mensonge autour de lui que parce que lui apparaît soudainement, avec effroi, que la vérité ne peut s’exprimer que sous forme de mensonges. Si le film est ainsi "dédié à tous les menteurs", autrement dit à tous les inventeurs de fictions, manière détournée de rendre hommage au père - le photographe André Zucca qui venait de décéder et dont la vie semble avoir été un "vrai" roman - c’est bien au sens où ce qui compte est, plus que la vérité elle-même, ce dont elle use, en termes d’artifices, pour pouvoir se dire (même qu’à moitié). En cela, Vincent…, comme la plupart des films de Zucca, fait écho au Criticón de Baltasar Gracián. On pense au chapitre "La vérité en couches" dans lequel l’auteur raconte comment au royaume de la vérité, celle-ci, en accouchant de "monstruosités", de "choses sans queue ni tête", a provoqué la fuite de ses habitants. Sauf que chez Zucca cela passe par tout un jeu de réverbération qui, au lieu de miroiter dans l’univers baroque du trompe-l’œil (comme chez Orson Welles ou Raúl Ruiz), se décline sous la forme de petits motifs romanesques, délicatement égrenés, à l’image du leitmotiv - les premières notes de la Rhapsodie espagnole de Ravel - qui accompagne Rouge-gorge.
Doubles natures
Et Roberte? Si toute règle a son exception, alors Roberte est cette exception. Par la complexité de sa structure et le caractère pour le moins cérébral de son propos (Zucca y adapte La Révocation de l’Edit de Nantes et Roberte ce soir, deux romans écrits par Klossowski dans les années 50 puis réédités ensemble, avec Le Souffleur, sous le titre Les Lois de l’hospitalité), le film peut de prime abord rebuter, mais la richesse de ses motifs et l’intelligence avec laquelle Zucca, grand ami de Klossowski, arrive à transcrire sans le trahir le texte de ce dernier, lui confèrent une force expressive absolument unique. C’est que l’art de la mystification qui caractérise le cinéma de Zucca trouve dans Roberte, avec le simulacre absolu que constitue pour Klossowski le "tableau vivant", une sorte de radicalité. L’ouverture du film est à cet égard significative, qui voit la caméra pénétrer, par un long travelling, dans une demeure apparemment délabrée, chercher au milieu des décombres le lieu du spectacle, qu’elle finit par trouver au détour d’un couloir sous la forme d’une galerie luxueuse dont le décor en stuc, incroyablement kitsch - murs aux couleurs criardes et longs rideaux de velours - s’accorde avec les tableaux au style pompier que collectionne le personnage principal (Octave/Pierre Klossowski). Cette ouverture est comme un passage entre deux mondes, entre le monde de la réalité (dans le film, c’est celui des espions et des trafiquants), où la vérité se révèle dans toute sa crudité, et le monde, plus mythique, des simulacres, dans lequel il n’y a plus de vérité (et donc plus de mensonge). Comme si, pour accéder à l’univers de Klossowski, Zucca devait laisser à l’entrée non seulement les "fausses vérités" du naturalisme, mais aussi le voile (poussiéreux) de la représentation dont on recouvre habituellement les images, empêchant de bien les regarder. "Tout ce qui se passe à l’extérieur de la maison est soumis au réalisme de la vie et relève de l’anecdote. Tout ce qui se passe à l’intérieur est soumis aux lois du spectacle et relève de la mise en scène.", dit le cinéaste à propos de son film (1). Entre les deux? Zucca lui-même à travers le personnage d’Antoine (2) (le neveu d’Octave et de Roberte) dont la chambre, située au rez-de-chaussée, est la seule qui communique directement avec l’extérieur, semblable en cela à la chambre de Luchini dans Vincent mit l’âne… où l’on voyait le héros entrer et sortir par la fenêtre. Chez Zucca, les personnages sont d’ailleurs souvent filmés dans l’encadrement d’une fenêtre ou d’une porte, voire dans le prolongement de plusieurs cadres, ce qui semble à la fois les emprisonner et, par ce jeu de décadrage/recadrage, les affranchir du plan d’origine. Cette dialectique de l’ouvert et du fermé répond évidemment à celle de la vérité et du mensonge, de cette vérité qui ne peut avancer que masquée. Mais chez Klossowski il n’y a plus de masque, sous-entendu de masque hypocrite, dans la mesure où tout masque est déjà un masque de masque, comme il n’y a plus d’original puisque tout modèle de copie est déjà une copie. Une thèse qui marque l’aboutissement (sinon le jusqu’au-boutisme) de sa relecture du principe nietzschéen de l’éternel retour, un principe qu’il assimile à un "cercle vicieux", donc à un faux principe. Pour Klossowski, il n’y a pas de début ni de fin de l’histoire, le monde n’est que fable au sens où il n’existe justement qu’en tant qu’histoires (la religion, l’art, la science, l’Histoire). Le monde comme fable, c’est aussi ce que chante, quoique sur un mode mineur, Zucca dans ses films. Question d’échelle: d’un côté (Klossowski), une pensée qui reproche à la philosophie occidentale, celle dont Whitehead disait que son histoire n’était qu’une série de notes de bas de page à la philosophie de Platon, d’avoir progressivement perdu sa capacité à fabuler; de l’autre (Zucca), une sensibilité qui trouve dans l’art de l’image (la photographie, le cinéma) le matériau idéal pour célébrer les puissances du faux. La rencontre entre les deux passe évidemment par la fiction - le recours au roman fut pour Klossowski un moyen de retrouver cette part de mystification qui manquerait à la philosophie - et surtout les simulacres (3), à l’instar des "faux" tableaux du peintre Tonnerre (rappelant les personnages joués par Michel Bouquet dans Vincent mit l’âne… et le Secret de Monsieur L) qui représentent Roberte en costumes d’époque, dans des poses équivoques. C’est tout l’enjeu du film: arriver à nous faire saisir (plutôt qu’à nous faire comprendre) le double personnage de Roberte, incarnée par Denise Morin Sinclaire, l’épouse de Klossowski. Car il y a bien deux Roberte: une Roberte imaginaire, fantasmée par Octave, et dont les aspects contradictoires (au niveau des gestes, du regard, de l’expression des désirs...) peuvent se manifester simultanément puisque justement imaginaires; et une Roberte disons réelle, qui existe dans le monde, avec ses souvenirs ("la grave offense" qu’elle a subie pendant la guerre et dont elle parle dans son cahier de libre examen) et ses projets (réussir sa carrière de femme politique, assurer l’éducation de son neveu...), mais qui, aussi, sert de modèle à l’autre Roberte, nourrissant ainsi les fantasmes d’Octave (telles ces lois de l’hospitalité qui consistent à offrir son épouse aux invités, de l’employé de banque au précepteur d’Antoine), en même temps qu’elle les assouvit puisqu’elle accepte de jouer (à son corps défendant?) le rôle de celle-ci. Une double nature qui n’est autre que celle de l’image (image document/image "imaginaire") et qui fait que Roberte, comme le rappelle Zucca, "doit se regarder comme doit se regarder toute image".
Pièces à conviction
Par quels moyens? Comment réussir à communiquer cet ensemble de contradictions qui définit Roberte? Pour Zucca, il n’y a qu’une seule réponse: le langage du corps, tel qu’il s’exprime dans l’allégorie, la pantomime, le cinéma muet et donc, ici, le tableau vivant; langage qui non seulement peut révéler ce que la parole dissimulerait mais également contredire, à la faveur d’un geste, ce qu’elle énoncerait. C’est le "solécisme", selon Klossowski, lorsque par "un mouvement de la tête ou de la main on fait entendre le contraire de ce que l’on dit". Mais si le personnage ne parle pas, ce qui est le cas dans les différents types de représentation évoqués, de quoi son geste peut-il être le contraire? Il y a là une ambiguïté qui touche à la question même de l’image. Nous parlions au début de radicalité, en fait, c’est de pédagogie qu’il faudrait parler. Roberte est une leçon de bien-voir. Bien voir les images, c’est pouvoir se passer de la parole. Et pour se passer de la parole, il suffit que la contradiction s’exprime tout entière au niveau du corps, plus précisément d’une partie du corps. Dans Roberte, c’est la main: une partie du corps d’autant plus privilégiée que, à l’instar de l’image et de Roberte, la main possède elle aussi une double nature - ce que Klossowski nomme la "pièce à conviction" -, quand, par exemple, la paume se tend ou que les doigts se dressent, trahissant le caractère mensonger de ce que le personnage exprime par ailleurs (4). Double nature donc, qui est même redoublée puisque des mains il y en a deux, et qu'"il convient alors, comme le précise Zucca, d’observer ce que fait la main qui se cache quand l’autre main se montre". On le voit, la contradiction n’existe pas en tant que telle. Elle suppose toujours un observateur, mieux: un commentateur, qui par son interprétation révèle la contradiction, transforme le geste quelconque en "pièce à conviction" (5). Ainsi la scène des diapositives dans laquelle Octave "initie" Antoine à la question du désir à travers les photos de Roberte qu’il lui projette. Par la façon, très peu naturelle, qu’a celle-ci d’enfiler ses gants, signe manifeste d’une contradiction, Antoine est censé ressentir la présence d’un "tiers" entre lui et sa tante (Octave le nomme "pur esprit"), ce par quoi le désir prend corps. Un désir qui s’exprimera de façon plus explicite dans la scène, rêvée par Antoine, où l’on voit un groom arroser de thé la chaussure de Roberte, et ce de façon délibérée (suggérant là une forme d’ondinisme) pour que des petits cireurs s’occupent de la chaussure et que, profitant de la pose prise par Roberte, deux collégiens la saisissent, moins d’ailleurs pour l’immobiliser que pour lui faire maintenir la pose, et permettent à l’un, pendant que l’autre explore à l’aide d’une lampe de poche le haut de ses cuisses, de lui arracher son gant et dévoiler la "pièce à conviction": la main tendue et le pouce écarté. Car le film ne se limite pas à énoncer des théories, il les met aussi en pratique, sur un mode toujours cocasse, proche du burlesque, évacuant ainsi tout esprit de sérieux, de cet esprit de sérieux qui est propre à la théorie.
Re-capitulations
Roberte est animé par deux types de mouvement: celui, on l’a vu, du geste en suspens, de l’arrêt sur image, qui appelle l’interprétation, et que Zucca enclôt dans les scènes d’intérieurs, là où s’exposent silencieusement les tableaux vivants; et un second mouvement, qui est la contradiction du premier, mouvement de glissement, lors des séquences en extérieurs, plus musical que pictural (il est d’ailleurs souvent redoublé d’une musique jazzy, aux accords dissonants, signe que le mouvement porte aussi en lui ses propres désaccords). Deux mouvements donc, l’un s’attachant au corps de Roberte, l’autre davantage à son psychisme, sachant au demeurant que chez la femme corps et psychisme sont indissociables, comme l’écrit Roberte: "Une femme est totalement inséparable de son propre corps. Rien ne lui est plus étranger que la distinction du physique et du moral, et le malentendu infranchissable débute avec l’idée qu’elle ne serait qu’animale. Mais voilà: son corps est bien son âme." Reste qu’ici le second mouvement touche non plus au saisissement d’un geste, mais à la reproduction d’un acte. Et pas n’importe quel acte: l’acte insensé, celui de la perversion, dont Roberte, qui en fut la victime, se demande, dès les premières pages de son journal, comment le reconstituer: "Trop fortes sont ces images d’il y a quinze ans. Il semble que loin de les atténuer, ma vie conjugale avec Octave les ravive à nouveau. Mais comment reconstituer la scène de la grave offense? En vain je relis ce que j’avais pu noter à l’automne 44 à Rome même, une fois remise de mon émotion. Ces images trop brûlantes, j’espérais les voir se consumer dans l’oubli, mais elles ont couvé sous leurs cendres..." Pour Klossowski, seule l’écriture des perversions, en violant le langage traditionnel, qui ne fait que décrire, permet de réitérer l’acte. Et la seule façon de le réitérer, indépendamment de sa description, est de le récapituler mentalement. Le simulacre est là, processus sadien par excellence, qui consiste à réactualiser l’outrage - à travers l’extase qu’il suscite - par sa seule évocation. Roberte est structuré autour de ce processus qui trouve dans la fameuse scène des barres parallèles sa plus belle illustration. C’est aussi le plus beau moment du film, d’une précision absolue quant à la construction, au point que l’on se demande si ce n’est pas cette scène qui a déterminé Pierre Zucca à adapter le roman de Klossowski (6). Récapitulons à notre tour. Panoramique sur les fontaines du Palais-Royal suivi d’un travelling descendant sur Roberte, debout, se souvenant du trouble occasionné lors de l’outrage: "Un violent sentiment de honte ressenti par une femme, se peut-il qu’elle le cherche dès lors qu’elle est honnête. Je me souviens que j’avais honte. En ai-je moins joui pour cela..." Elle s’assoit à la terrasse d’un café et, tout en s’examinant dans le miroir d’un poudrier, poursuit sa réflexion: "Somme toute, que reprocher à ces individus. S’ils ont goûté à un lamentable plaisir, pour moi c’est à présent que le plaisir commence..." Roberte se met alors à revivre l’outrage, réactivant par là le plaisir (coupable) qu’il produisit en elle: la rencontre avec l’homme dans l’autobus (dont les barres et les poignées préfigurent les agrès du gymnase); l’homme qui la suit (à moins qu’elle le devance); l’outrage, qui voit l’homme, avec l’aide d’un complice, attacher Roberte à des barres parallèles, lui ôter sa jupe et son gant puis lui lécher le creux de la main (7), jusqu’à l’extase...; enfin le départ de l’offensée non sans avoir préalablement caressé les barres où ses mains venaient d’être "si bien attachées". Retour à la terrasse du café et à la première scène que Zucca refilme à l’identique, sauf que dans le sac de Roberte se trouve maintenant le petit livret en cuir rouge qu’un des hommes a glissé, conformément aux instructions d’Octave, et sur lequel est reproduite la première phrase de l’Evangile selon Saint Jean: "In principio erat verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum" ("Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et Dieu était le Verbe"), avec dessus l’empreinte de la main de Roberte, "preuve" qu’il s’agit du même texte que celui vu au début du film, dans l’épisode de la Chapelle Romaine, lorsque, voulant récupérer des documents nazis dans un tabernacle, elle s’était vue démasquée. Faut-il comprendre que cette main est à la fois image et parole, qu’elle est au commencement de toute histoire (même au-delà, puisqu’il n’y a pas véritablement de commencement et que tout se répète) et qu’à ce titre Roberte demeure indéfectiblement le "signe unique" de la pensée d’Octave? Il se dégage en tous les cas de la scène un doux sentiment de plénitude: "Que la chute des fontaines sous les platanes est apaisante, que cette ville est exquise dans son glissement", pense Roberte. Et de nouveau le lent panoramique, à travers les colonnes, sur les fontaines du Palais-Royal. Au total, quinze minutes d’une grâce infinie...
L’image prend toutes les formes dans Roberte. Perverse et polymorphe. Certes, le film peut être vu comme la réponse de Zucca à la dérive naturaliste du cinéma des années 70. Mais au-delà du contexte, ce que nous montre Roberte/Roberte, c’est qu’on n’en a jamais fini avec les images. A l’heure où certains prônent la seule positivité des images, offertes telles quelles au regard, comme si l’image n’avait plus de secret, qu’on en avait fait le tour, revoir Roberte est une expérience salutaire. Zucca nous rappelle que si tout n’est qu’apparence, on ne se débarrasse pas si facilement des images. Lorsque, à la fin du film, le vieil Octave apprend la supercherie des tableaux de Tonnerre et qu’il s’exclame "ces faux seraient donc vrais?", on ne sait plus s’il entend par là que les tableaux seraient vrais parce que ce sont des faux qui permettent, en faisant semblant d’être vrais, d’accéder à quelques vérités, ou, plus simplement, parce que les personnages se révèlent être de vrais personnages (8). On n’est pas très loin de l’abstraction lyrique telle que l’avait définie Deleuze à propos de l’image-affection, quand "l’esprit n’est pas pris dans un combat, mais en proie à une alternative". Pas de négativité pure, mais une circulation incessante, un va-et-vient permanent entre le vrai et le faux, la vie et son théâtre, ce qui suppose un minimum de fabrication, ce que Zucca appelle le "style", pour en rendre compte. Non, décidément, on n’en a jamais fini avec les images. (Vertigo n°33, juin 2008)
(1) Pierre
Zucca, "La double nature de l’image", in Pierre Klossowski
et Pierre Zucca, Roberte au cinéma, numéro spécial de la revue Obliques,
1978. Toutes les citations de Zucca, rapportées par la suite, sont extraites de
ce texte.
(2) Deux
éléments nous font penser que le personnage d’Antoine est peut-être le double
de Pierre Zucca. D’abord, le fait que le rôle est tenu par Martin Loeb qui
était déjà le double adolescent de Jean Eustache dans son film autobiographique
Mes petites amoureuses. Ensuite, parce que Zucca déplace
légèrement l’époque du film, de 1954 (date de la première édition de Roberte)
à 1958, ce que rien ne justifie vraiment, même s’il s’agit de la date de La
Révocation de l’Edit de Nantes (seul texte crédité au générique), sinon
de faire à peu près coïncider l’âge d’Antoine dans le roman avec le sien à
cette époque (Pierre Zucca est né en 1943).
(3) Si Klossowski, qui était le frère du peintre Balthus, a
toujours dessiné, parallèlement à son œuvre d’écrivain, il a fini, au début des
années 70, par délaisser presque complètement
l’écriture pour se consacrer au seul dessin, passant ainsi, comme il le dit
lui-même, de la "spéculation" au "spéculaire",
et, concernant le dessin, de la mine de plomb au crayon de couleur, une manière
de rendre ses tableaux vivants plus saisissants encore.
(4) La main
joue toujours un rôle important chez Zucca.
C’est par elle que circule l’argent, qu’il s’agisse de billets ou de chèques
volés, support de toutes les transactions, et que le récit avance.
(5) Car c’est bien de geste qu’il s’agit ici et non pas d’acte
à proprement parler. Dans le geste, le mouvement est donné à voir, il
est suspendu dans le temps. Lacan, grand lecteur de Klossowski, voyait dans ce
temps d’arrêt du mouvement l’effet de qu’il appelait le "fascinum",
quand "s’exerce directement la puissance du regard".
(6) La scène
des barres parallèles est en quelque sorte la scène originaire qui fonde le film (Klossowski l’a reprise plusieurs fois dans ses dessins). La
scène du rêve d’Antoine, située à l’intérieur de la maison, en est la version
œdipienne et théâtralisée.
(7) En cherchant à replier ses doigts, Roberte manifeste moins
une volonté de résistance qu’un terrible sentiment de honte, ce qu’elle finit
d’ailleurs par verbaliser lorsque, au bord de la jouissance, elle dit à l’autre
homme: "Eteignez donc!", seule parole énoncée de
toute la séquence.
(8) La
preuve de la supercherie lui sera fournie par la "vision" d’un
dernier tableau, véritablement vivant celui-là, vision si forte qu’il n’y
survivra pas.
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