lundi 20 février 2023

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Lumière de Jeanne Moreau (1976).

Notes.

Lumière de Jeanne Moreau (1976, revu dans une version restaurée) a le charme des premiers films (et des années 70). Il vient après la Nuit américaine de Truffaut et L'important c'est d'aimer de Zulawski (adapté aussi de La Nuit américaine, mais ce n'est pas la même), sans la sage maîtrise du premier ni la folie orageuse du second, c'est ce qui le rend plus attachant — au-delà de sa volonté de tout embrasser du monde des actrices (en fait c'est plutôt un survol), de son côté mélancoliquement woolfien (Moreau lit dans son lit La Promenade au phare) et de ses références, le plus souvent légères (le "Nu bleu" de Matisse, aperçu à plusieurs reprises dans le film), parfois un peu lourdes (l'exergue de l'Heure du loup de Bergman, citée in extenso) — à travers le portrait savoureux (le film est très drôle) de ces quatre femmes (deux par génération), respirant la vie et ses angoisses, qui fait de Lumière un beau film, je ne dirais pas vecchialien (quoique), mais en tout cas très "diagonale", par la fraîcheur de ton et la liberté qu'il y règne.

Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador (2015). Film d'une grande douceur. Du burlesque, avec un héros que je qualifierais de keatonien: à la fois athlète, timide et maladroit quand il n'est pas en action (l'action, remède à l'angoisse). Soit donc Vincent, "dadais d'eau douce" dont la force est décuplée (il gagne en newtons) dès qu'il se trouve mouillé, capable dès lors de se propulser hors de l'eau, tel un dauphin, ou encore de balancer une bétonnière sur le capot d'une voiture, pour mettre fin à une dispute. La douceur du personnage tient autant à son univers aquatique, fait d’instants bachelardiens, lorsque, par exemple, il se laisse dériver à la surface d’un bassin, qu’à sa façon d'appréhender le monde, totalement démuni (il n'a pas d'écailles). Lucie, jolie liane amoureuse — dans les arbres et sur le corps de Vincent ("la plus longue caresse du monde") —, participe de cette douceur. Tout est sur le même mode, avançant à bas régime. Quand le récit change de vitesse (la course-poursuite avec les gendarmes), il ne fait que passer la seconde, comme le héros sur le chantier où il travaille. Pour le coup, pas de vraie rupture, le film gagne un demi-ton, rien de plus, qu'il maintient jusqu'à la fin (le grand large). C'est doux, musical, frémissant... mélancolique et très beau.

Bonus: Les cent prochaines années, Albin de la Simone, 2023. (ou  avec les paroles)

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