lundi 30 novembre 2020

[...]


Où sont les rêves de jeunesse?

J'ai longtemps rêvé de la Panhard de mon grand-père, une Panhard Dyna Z. Je me souviens d'une photo avec mon grand-père au volant. Il était très beau. Médecin, mélomane, amateur d'opéra et de théâtre (on lui prête quelques aventures avec des actrices de renom), c'était aussi un excellent cycliste. Arrivé le printemps, il partait (le vélo dans le coffre de sa Panhard) dans les Alpes ou les Pyrénées pour y gravir les plus grands cols, ceux, mythiques, du Tour de France.

Je n'ai pas vraiment connu mon grand-père — j'étais trop jeune quand il est mort — mais l'image de la Panhard m'est restée gravée. Au lycée, moi et trois copains avions fondé un petit groupe de rock. On ne savait pas quel nom lui donner, ça changeait tout le temps, jusqu'au jour où j'ai proposé "Panhard". Il y eut un long silence puis V a dit: "OK, ça sonne bien". Sauf que certains, autour de nous, s'amusaient à prononcer "Panard", par dérision mais aussi parce que c'était la mode du ska, ce qui nous énervait prodigieusement. Du coup Panhard est devenu Pan-hard, avec un trait d'union (histoire également d'associer folk et rock) et, pour enfoncer le clou, la promesse d'écrire une chanson qui s'intitulerait "Dina Z", chanson qui bien sûr n'a jamais vu le jour. Après le groupe a changé, V est parti, K est arrivé, on s'est alors appelés DCA (période franchement hard où l'on faisait mumuse avec le feedback, ce qui nous a valu quelques démêlés avec le proviseur). Puis V est revenu, il a fallu que je trouve un nouveau nom, moins hard, plus pop. Ce fut The Beauchamp, en souvenir d'un séjour à Londres, nom qu'on pouvait cette fois prononcer comme on voulait, à la française ou à l'anglaise: "The Bitcham". Cela a duré encore quelques mois, jusqu'au passage en seconde et la fermeture définitive de l'internat.

NB. Dans le roman de Patrick Modiano, Vestiaire de l'enfance, il y a ce passage:
"Elle prononçait Beauchamp à la française, comme moi, comme nous tous, comme Beauchamp lui-même, alors que j'avais découvert que ce nom était anglais et qu'il fallait dire: Bi-Tchan. Un jour, le rencontrant dans la rue, je l'avais interpellé:
— Bonjour, monsieur Bi-Tchan.
Je pensais lui faire plaisir car il devait être là d'entendre toujours écorcher son nom. Mais il m'avait confié, d'un air grave:
— Je préfère que vous m'appeliez Beauchamp, si vous n'y voyez aucun inconvénient."
Lisant et relisant Modiano depuis que j'ai quinze ans, j'aurais pu croire que c'est dans ce petit passage que j'avais puisé le nom du groupe. Mais non, le roman date de 1989 et les événements dont je parle sont antérieurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire