Survivre à sa vie (théorie et pratique) de Jan Švankmajer (2010).
"Le rêve est une seconde vie."
Gérard de Nerval
En guise d'explication.
1. Jan Švankmajer
La peur de la vie est une émotion humaine fondamentale. La religion, la créativité, l'amour, le sexe, le cumul d'objets (que l'on élève au rang de "collections" ou abaisse à celui de "réserves"), la quête de célébrité, argent, pouvoir — tels sont les substituts au moyen desquels nous tentons d'étouffer cette peur mortelle. La peur de la vie est bien plus forte que celle de la mort. Voyez la fréquence de meurtres et de suicides — non seulement ceux de la vraie vie, mais aussi ceux que l'on voit tous les jours à la télévision ou au cinéma. La peur est un fleuve sombre et souterrain qui coule au plus profond de nous, qui influe sur chaque instant de notre vie, que nous soyons éveillés ou endormis. Si, comme Freud le prétend, la fonction des rêves est de réaliser nos désirs enfouis ou avoués, alors quelque part dans notre être profond le désir humain le plus fondamental doit être constamment réalisé: survivre à sa propre vie.
2. C. G. Jung
Il y a, après tout, une part de vérité dans l'idée que nous, les occidentaux, vivons dans la peur. C'est une peur réelle et en partie justifiée. Nous n'avons aucune difficulté à comprendre la peur de l'enfant ou du primitif devant les mystères du vaste monde. Or, nous n'en ressentons que son effet, nous ne savons pas qu'il s'agit d'une peur du monde car ce monde est invisible. Nous n'avons que des préjugés théoriques ou des représentations superstitieuses. Nous ne pouvons même pas prononcer le terme d'inconscient en présence de certaines personnes, fussent-elles cultivées, sans nous voir aussitôt accusés de mysticisme. Or, il faut bien avouer que notre peur est fondée dans la mesure où notre conception rationnelle des choses, avec ses sécurités morales et scientifiques auxquelles on s'accroche avec tant de passion (aussi douteuses soient-elles), se trouve ébranlée par les données qui proviennent de "l'autre côté"... Ce n'est pas une mince affaire de se trouver coincés entre un monde diurne aux idéaux ébranlés, aux valeurs qui ne convainquent plus, et un monde nocturne rempli de fantasmagories apparemment dénuées de sens. Dans une posture si complètement inhabituelle il ne peut y avoir personne qui ne cherche une quelconque certitude, ne serait-ce que par un "retour en arrière" — jusqu'à la mère, par exemple, rempart contre nos terreurs nocturnes d'enfance. Le peureux a besoin de dépendance comme le faible a besoin de soutien.
3. Les Vases communicants, André Breton
Il m'a paru et il me paraît encore [...] qu'en examinant de près le contenu de l'activité la plus irréfléchie de l'esprit, si on pousse outre à l'extraordinaire et peu rassurant bouillonnement qui se produit à la surface, il est possible de mettre à jour un tissu capillaire dans l'ignorance duquel on s'ingénierait en vain à vouloir se figurer la circulation mentale. Le rôle de ce tissu est, on l'a vu, d'assurer l'échange constant qui doit se produire dans la pensée entre le monde extérieur et le monde intérieur, échange qui nécessite l'interpénétration continue de l'activité de veille et de l'activité de sommeil.
(à suivre)
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