Plaisirs du texte.
Claude Chabrol sur Aldrich et Michel Delahaye sur Boetticher (1963):
Claude Chabrol sur Aldrich et Michel Delahaye sur Boetticher (1963):
Robert Aldrich. Dans un bel effort d’imagination collective, la plupart des commentateurs de son dernier film (What Ever Happened to Baby Jane?) se posèrent la question: "Qu’est-il arrivé à Robert Aldrich?" Ils ne l’avaient pas reconnu. Pourtant, ce goût du théâtral qui divise un scénario en actes, ces plans envoyés sur l’écran à la truelle, cette cruauté bien personnelle qui fait appeler un marteau, un marteau et une vieille peau, une vieille peau, cette hystérie parfois, ces hurlements, ces effets tellement énormes qu’ils en deviennent splendides, les dix plans géniaux de la dernière séquence: il n’y a pas à dire, c’est bien lui. Ennemi des producteurs qui défigurent ses films quand il a le dos tourné, il a cherché la liberté sur le vieux continent. Triste expérience: les Grands Ciseaux le guettaient à Berlin, Athènes et jusque dans les ruines de Sodome. Après ce désastreux tour d’Europe, qui a calmé son anti-américanisme, le revoici toujours énorme, toujours généreux, de nouveau à ses aises. C’est une force de la nature: il lui faut des obstacles à ses mesures. Il attend, tournant ce qui l’amuse, que se termine l’ère des pisse-froids...
Budd Boetticher. C’est un primitif qui donne tête baissée dans l’aventureuse nature des choses. Ses films sont une masse brute, aux éléments peu nombreux, mais strictement répartis de part et d’autre d’ébouriffantes ellipses, un bloc taillé par une massue préhistorique maniée avec une délicatesse d’orfèvre. Epuré à l’extrême, le bloc devient Comanche Station, rigueur - mais oui - classique. B.B., par ailleurs, a ses thèmes, tics et tropes: spécialiste qualifié du bloc Randolph Scott (en tout et pour tout, trois gestes et deux mimiques, dont il varie subtilement l’agencement), qui sert de support à son a-gynie. Lui, les femmes, c’est dans la vie qu’il les aime, mais, dans l’œuvre, ombres plus ou moins éthérées, bien que nécessaires. Ce dernier représentant de la race des grands westerniens fit une remarquable incursion dans la jungle de l’asphalte avec The Rise and Fall of Legs Diamond, où l’arrivisme gangstérien évoque bien d’autres chutes et ascensions. Terminons (comme il fait) sur les toreros. Il en fut, il en filma et, comme il ne faut jamais rester sur un échec, il vient d’en refilmer. Bien reçu les oreilles et la queue. Attendons le reste.
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