Elle s'appelle Claire comme Bretécher et, sur la photo, fait penser aux "frustrés". Coïncidence, bien sûr, mais la réussite du film de Sophie Letourneur tient beaucoup à ça: un regard, qu'on pourrait dire "bretéchérien", tendre et mordant, sur notre société,via le culte de la grossesse et le "bébé-centrisme" qui en découle, jusqu'à dégouliner de partout... Regard que l'auteur des Coquillettes inscrit dans le cadre de la bonne "grosse" comédie, celle des chaînes télé qui se consacrent exclusivement à la comédie (Marina Foïs et Jonathan Cohen viennent de là), un concept importé des Etats-Unis (type The Comedy Channel) qui sait cultiver l'hénaurme. Avec, c'est obligé, une touche d'Apatow, Enorme rappelant les derniers films du réalisateur américain (même si, évidemment, ça évoque aussi Knocked Up), à travers notamment ce goût pour un certain naturalisme (ici, l'accompagnement, par de vrais accompagnants, d'une grossesse; là, dans The King of Staten Island, la vie dans une caserne de pompiers), que Letourneur pousse à l'extrême, un peu trop d'ailleurs (les séances de préparation à la naissance, un accouchement réel, filmé en contrechamp, du point de vue de l'accouchée). Une comédie donc, genre "40 ans, toujours nullipare" — relevée d'une pointe de burlesque, si on considère le duo que constituent les deux comédiens: Marina Foïs en clown blanc, Jonathan Cohen en auguste —, le tout confronté à la réalité quasi-documentaire d'une vie de femme enceinte.
Il y a ainsi deux niveaux qui s'entrecroisent et s'opposent dans Enorme. L'hénaurme et la norme. Le premier repose à la fois sur un fantasme, celui, masculin, de la procréation — Jonathan Cohen (ex-Serge le Mytho), qui vit déjà par procuration la vie de "grande pianiste" de sa femme (il s'occupe de tout), lui fait un enfant dans le dos, parce que, suite à une "révélation" et encouragé par sa mère, il en veut un, ce qui fait que la grossesse, il va la vivre aussi par procuration — et sur un déni, celui des femmes qui n'ont pas conscience d'être enceintes: Marina Foïs, tout entière à sa musique, et qui pour cette raison ne veut pas d'enfant, ne peut s'imaginer "attendre un bébé". L'énormité naît de cette double situation: l'homme qui "délire" la grossesse de sa femme (au point de s'identifier à elle); la femme-artiste, un poil autiste, qui, après avoir nié l'évidence, poursuit sa grossesse en toute "inconscience". Le second niveau est celui de la norme sociale, si forte en ce qui concerne le désir d'enfant chez une femme (et maintenant chez l'homme), que celle qui y satisfait fait l'objet d'une véritable sacralisation, expliquant l'attention démesurée qu'on lui porte, non seulement sur le plan médical — et bien sûr commercial (Jonathan Cohen achète tout ce qui est censé servir au futur bébé) —, mais surtout, plus globalement, au niveau de la collectivité, la grossesse étant considérée par la société comme le nec plus ultra pour une femme, une forme d'épanouissement, quand ce n'est pas la marque d'un accomplissement. De sorte que, et c'est là toute la richesse du film, la monstruosité que représentait initialement le couple (improbable) formé par Foïs et Cohen, finit par disparaître (et se répandre, on l'imagine, chez ceux — la société normative — qui par leur discours, célébrant en permanence le bonheur qu'il y a à devenir parents, excluent les autres — les "pathologiques" — qui ne répondent pas à la norme), pour laisser place à une forme (nouvelle) d'harmonie: lui, s'occupant dorénavant de "son" bébé (son choix) pendant que, elle, s'ouvre (un peu) au monde, passant de la Fantaisie-Impromptu de Chopin, pour piano seul, au Concerto en sol de Ravel, pour piano et orchestre. "Fantaisie" d'un côté, divertimento de l'autre... à l'image du film, étant entendu que ce que raconte aussi Enorme, c'est, au-delà de sa veine comique, une histoire d'émancipation, un autre type d'accouchement, l'histoire d'une femme se libérant du carcan social, incarné par l'institution autant que par son mari. Le dernier plan, qui montre Marina Foïs au piano, envahie de bonheur, comme dans une bulle d'extase, au milieu des siens (les musiciens) et loin des couches à changer de bébé, ne dit pas autre chose...
Il y a ainsi deux niveaux qui s'entrecroisent et s'opposent dans Enorme. L'hénaurme et la norme. Le premier repose à la fois sur un fantasme, celui, masculin, de la procréation — Jonathan Cohen (ex-Serge le Mytho), qui vit déjà par procuration la vie de "grande pianiste" de sa femme (il s'occupe de tout), lui fait un enfant dans le dos, parce que, suite à une "révélation" et encouragé par sa mère, il en veut un, ce qui fait que la grossesse, il va la vivre aussi par procuration — et sur un déni, celui des femmes qui n'ont pas conscience d'être enceintes: Marina Foïs, tout entière à sa musique, et qui pour cette raison ne veut pas d'enfant, ne peut s'imaginer "attendre un bébé". L'énormité naît de cette double situation: l'homme qui "délire" la grossesse de sa femme (au point de s'identifier à elle); la femme-artiste, un poil autiste, qui, après avoir nié l'évidence, poursuit sa grossesse en toute "inconscience". Le second niveau est celui de la norme sociale, si forte en ce qui concerne le désir d'enfant chez une femme (et maintenant chez l'homme), que celle qui y satisfait fait l'objet d'une véritable sacralisation, expliquant l'attention démesurée qu'on lui porte, non seulement sur le plan médical — et bien sûr commercial (Jonathan Cohen achète tout ce qui est censé servir au futur bébé) —, mais surtout, plus globalement, au niveau de la collectivité, la grossesse étant considérée par la société comme le nec plus ultra pour une femme, une forme d'épanouissement, quand ce n'est pas la marque d'un accomplissement. De sorte que, et c'est là toute la richesse du film, la monstruosité que représentait initialement le couple (improbable) formé par Foïs et Cohen, finit par disparaître (et se répandre, on l'imagine, chez ceux — la société normative — qui par leur discours, célébrant en permanence le bonheur qu'il y a à devenir parents, excluent les autres — les "pathologiques" — qui ne répondent pas à la norme), pour laisser place à une forme (nouvelle) d'harmonie: lui, s'occupant dorénavant de "son" bébé (son choix) pendant que, elle, s'ouvre (un peu) au monde, passant de la Fantaisie-Impromptu de Chopin, pour piano seul, au Concerto en sol de Ravel, pour piano et orchestre. "Fantaisie" d'un côté, divertimento de l'autre... à l'image du film, étant entendu que ce que raconte aussi Enorme, c'est, au-delà de sa veine comique, une histoire d'émancipation, un autre type d'accouchement, l'histoire d'une femme se libérant du carcan social, incarné par l'institution autant que par son mari. Le dernier plan, qui montre Marina Foïs au piano, envahie de bonheur, comme dans une bulle d'extase, au milieu des siens (les musiciens) et loin des couches à changer de bébé, ne dit pas autre chose...
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